La tuerie de Pittsburgh a été qualifiée de pire acte antisémite de l'histoire des États-Unis, mais ce n'est pas vraiment un hasard si cet acte ignoble s'est produit en 2018 et non pas il y a quelques années.

C'est une preuve de plus que l'antisémitisme s'est intensifié. Il s'est accentué ces dernières années aux États-Unis, où le drame s'est déroulé, mais aussi ailleurs dans le monde.

C'est une preuve de plus, également, que la haine prend désormais racine plus facilement dans les sociétés occidentales. C'est profondément troublant.

« On hait désormais ouvertement et sans vergogne. Parfois avec un sourire, parfois sans, mais trop souvent sans aucune honte », a écrit la journaliste allemande Carolin Emcke l'an dernier dans un petit essai éclairant intitulé Contre la haine. « Quelque chose a changé » en Europe, résumait-elle au sujet de la haine.

Quelque chose a aussi changé aux États-Unis, confirme les drames qui ont secoué la nation au cours de la dernière semaine. Des colis suspects expédiés à une dizaine de détracteurs de Donald Trump à la tuerie de Pittsburgh samedi dernier, en passant par cet homme qui, au Kentucky mercredi dernier, a tué deux Afro-Américains après avoir d'abord tenté d'entrer avec son arme dans une église de la communauté noire.

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Bien sûr, la violence ne date pas d'hier sur le sol américain. Un historien cité par le New York Times dimanche traçait un parallèle avec 1968 : Martin Luther King et Robert Kennedy ont été assassinés cette année-là. Mais les statistiques récentes démontrent néanmoins que quelque chose s'est à nouveau détraqué ces dernières années.

Parmi les données probantes : les crimes haineux sont en hausse (ils ont augmenté en 2016 pour une deuxième année consécutive), le nombre de groupes haineux a bondi (une hausse de 17 % de 2014 à 2017, selon le Southern Poverty Law Center) et les incidents antisémites se sont multipliés (une hausse de 57 % l'an dernier, du jamais vu, selon l'Anti-Defamation League).

Quelle est la responsabilité de Donald Trump dans tout ça ? C'est évidemment difficile à évaluer. Mais dire qu'il n'a rien à voir avec ces tendances, comme le font la majorité des républicains sur le sol américain, ne résiste pas à l'analyse.

La haine est fabriquée et la violence, elle, est préparée, souligne Carolin Emcke. « La haine n'éclate pas soudainement, elle est cultivée. Tous ceux qui l'interprètent comme spontanée ou individuelle contribuent involontairement à ce qu'elle continue à être nourrie », écrit-elle.

En ce sens, prétendre que Donald Trump est blanc comme neige n'est pas seulement faux, c'est également pernicieux. Plus qu'aucun autre politicien américain ces dernières années, il a été un catalyseur de cette montée de l'intolérance. Faut-il rappeler - notamment - qu'il a tenu à défendre les « bonnes personnes » impliquées dans les émeutes de Charlottesville l'an dernier ? « Les Juifs ne nous remplaceront pas », avaient alors crié des militants racistes et antisémites.

Le président, lui, tente de faire diversion en montrant les médias du doigt. Ils ne sont pas au-dessus de tout soupçon, c'est vrai. Fox News, chaîne de prédilection de Donald Trump, se retrouve en particulier sous les projecteurs. Mais le président semble par-dessus tout vouloir que les médias cessent d'analyser l'impact de ses faits et gestes. Qu'ils arrêtent de se pencher sur la façon dont il contribue lui-même à alimenter la colère et l'intolérance. En ce sens, il réclame une chose impensable dans une démocratie : il souhaite que les médias ne soient que des facilitateurs. Des complices.

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Donc, oui, il y a une corrélation, un lien logique entre ce qui s'est passé au cours de la dernière semaine aux États-Unis et les propos du président républicain.

Mais il ne faudrait pas non plus faire l'erreur de l'accuser de tous les maux et d'oublier d'identifier tous ceux qui contribuent aussi à ce grand retour de la haine qui, rappelons-le, ne connaît pas de frontières.

En avril dernier en France, par exemple, 300 personnalités ont signé un manifeste contre « le nouvel antisémitisme », rappelant que 11 Juifs ont été assassinés dans le pays depuis 2006. « La France est devenue le théâtre d'un antisémitisme meurtrier », ont-ils affirmé.

Ni le Canada ni le Québec ne sont immunisés contre la haine. Statistique Canada a d'ailleurs rapporté l'an dernier une hausse de plus de 20 % des crimes haineux au Québec en 2016. Ceux commis contre la population juive ont, notamment, augmenté.

Quelque chose a changé ici aussi. De vieux démons ressurgissent. Il est urgent, ici comme ailleurs, d'identifier leurs différents visages, d'en parler sans pudeur et de leur livrer une lutte sans merci.

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