La myopie est une anomalie de l'oeil qui se traduit par une vision floue des objets éloignés.

C'est exactement ce dont le Canada a souffert au cours des 19 derniers mois en matière de politique étrangère. Il est temps que ça cesse.

Dire que le Canada a été myope n'est pas tant un blâme qu'un constat. Nécessité fait loi. Le gouvernement canadien ne pouvait pas regarder au-delà du territoire américain avec trop d'insistance. Il lui fallait mettre tous ses oeufs dans le même panier : celui de la relation avec les États-Unis.

Justin Trudeau a confié à sa ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, le mandat de renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain. Elle a été forcée de délaisser le reste du monde.

Rétrospectivement, il aurait peut-être été sage de séparer les deux fonctions. L'ampleur de la tâche de Chrystia Freeland aux États-Unis était telle qu'elle ne pouvait pas, en même temps, se démener pour prouver que le Canada était « de retour » dans le monde, comme l'avait annoncé le premier ministre.

Il est un peu trop facile, direz-vous, d'affirmer après coup qu'il eût mieux valu faire ceci ou faire cela. C'est vrai. Ce qu'on peut affirmer sans crainte de se tromper, toutefois, c'est qu'Ottawa doit désormais démontrer que les bottines vont suivre les babines.

Maintenant que les pourparlers au sujet du renouvellement de l'ALENA sont terminés, Chrystia Freeland doit rapidement élargir ses horizons.

D'autant que le Canada veut obtenir un siège au Conseil de sécurité de l'ONU en 2020. Si on y parvient, ce ne sera pas le fruit du hasard. C'est parce qu'on l'aura mérité.

Le bilan du Canada sur la scène internationale n'est pas désastreux. Le Canadian Foreign Policy Journal, qui évalue annuellement la performance d'Ottawa à ce chapitre, lui a accordé un B - dans son plus récent rapport, en mars dernier.

Les experts concluent que le bilan du gouvernement Trudeau est positif dans le dossier de l'immigration et des réfugiés et qu'il ne s'en tire pas si mal, entre autres, sur le plan du commerce international. Mais du côté de l'aide au développement ou de la défense, notamment, le rendement laisse à désirer.

Le gouvernement libéral a véritablement réussi à tourner la page sur les années Harper et prouver que le retour annoncé au multilatéralisme n'était pas de la poudre aux yeux. Avoir renoué avec les opérations de paix en est un bon exemple, même s'il faut admettre que la contribution canadienne est actuellement modeste.

Le leadership du Canada dans le dossier de la crise des Rohingya a également été plus qu'honorable au cours des derniers mois. Mais ce fut surtout grâce aux efforts déployés par l'envoyé spécial d'Ottawa dans ce dossier, l'ancien premier ministre Bob Rae. Pendant ce temps, l'attention de Chrystia Freeland était monopolisée par Donald Trump.

Trois ans après l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral, la politique étrangère canadienne n'est pas encore à la hauteur des attentes qui avaient été créées. Le moment est venu pour Ottawa de soigner sa myopie et de regarder au-delà des frontières de notre voisin américain !

Comment se démarquer ? Trois avenues à explorer

OPÉRATIONS DE PAIX

En décembre dernier, le nombre de Casques bleus canadiens déployés à l'étranger a atteint un creux historique. Dans les mois qui ont suivi ce constat désolant, Ottawa a heureusement tenu promesse et expédié des troupes au Mali. Quelque 250 Canadiens participent actuellement à la mission de l'ONU dans ce pays. C'est une excellente initiative, mais ce n'est pas un exploit pour autant. D'autant que leur mandat initial n'est que de 12 mois. Ottawa aurait tout avantage à contribuer de façon plus substantielle aux opérations de paix, d'autant qu'il offre l'expertise et l'équipement qui font défaut bien d'autres pays contributeurs.

AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Ce n'est pas que le Canada se tourne les pouces en matière d'aide au développement. La ministre Marie-Claude Bibeau a mis de l'avant une politique d'aide dite féministe dont elle fait la promotion avec passion. Elle est convaincue que des données probantes montreront le bien-fondé de cette approche. Hélas, il y a de nombreuses années que le Canada fait piètre figure quant aux sommes investies dans l'aide internationale. Le pays serait plus crédible s'il faisait des efforts pour atteindre sa propre cible : y consacrer annuellement 0,7 % du PIB.

CRISE DES ROHINGYA

En avril dernier, l'ex-premier ministre Bob Rae a déposé un rapport pour expliquer « ce que le Canada et le monde [pouvaient] faire » afin de tenter de régler la crise des Rohingya. Ottawa a déjà suivi plusieurs des recommandations de l'ancien premier ministre. On a entre autres fait pression pour encourager la Cour pénale internationale à enquêter sur ce génocide et versé d'importantes sommes pour aider les réfugiés. Le gouvernement fédéral doit continuer sur sa lancée. Son leadership peut maintenant servir à coordonner les efforts des pays qui cherchent des solutions à cette crise.

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