Il n'y a pas de doute, Emmanuel Macron joue un jeu dangereux.

Le président français vient d'être reçu avec faste à Washington et il en a surpris plus d'un en traitant Donald Trump avec la déférence et les marques d'affection qu'on réserve généralement à ses plus grands amis.

Complicité évidente, bises et sourires coquins, poignées de main viriles, mais tendres... On a même qualifié de bromance la relation entre les deux hommes sur les ondes de CNN et dans divers autres médias américains.

Difficile de ne pas ressentir un certain malaise devant cet étalage de bons sentiments de la part d'Emmanuel Macron à l'égard d'un politicien dont l'attitude et les décisions sur la scène internationale troublent et irritent plus qu'elles ne rassurent.

Difficile, également, de ne pas s'en inquiéter.

De tous les chefs d'État des démocraties occidentales, Emmanuel Macron est incontestablement celui qui traite Donald Trump avec le plus d'égards.

Justin Trudeau, par exemple, a toujours été courtois en présence du président américain, mais ne s'est jamais comporté comme un de ses vieux potes.

D'autres, comme la chancelière allemande Angela Merkel, n'ont carrément pas d'atomes crochus avec Donald Trump et ne se gênent pas pour le démontrer. On sent qu'ils préfèrent se pincer le nez en attendant que l'ère Trump soit terminée. Et on peut les comprendre !

Emmanuel Macron a pour sa part décidé de plaire à Donald Trump, visiblement par calcul politique. Il a constaté qu'il y avait un vide et il cherche à le combler. Parmi les puissances européennes, ni l'Allemagne ni le Royaume-Uni n'ont été en mesure de développer une bonne relation avec les États-Unis depuis le départ de Barack Obama. S'il y parvient, cela pourrait être politiquement rentable.

Par ailleurs, il s'est certainement dit qu'en se rapprochant le plus possible de Donald Trump, il pourrait l'influencer. Et, donc, tenter de désamorcer certaines des grenades politiques que le président américain lance avec une troublante régularité.

Le hic, c'est que jusqu'ici, ça n'a pas été le cas. Donald Trump a annoncé que les États-Unis allaient se retirer de l'accord de Paris sur le climat même si Emmanuel Macron avait tenté de le convaincre de ne pas torpiller l'entente. Le même scénario s'est répété quand le président américain a décidé de déménager à Jérusalem l'ambassade des États-Unis en Israël... malgré l'opposition du président français.

Or, si ce dernier n'est jamais capable de faire entendre raison à Donald Trump, il pourrait devenir un faire-valoir. C'est dangereux. Et c'est peut-être ce qui est en train de se passer dans le dossier iranien.

Donald Trump veut depuis longtemps rouvrir l'accord iranien sur le nucléaire, qui a été conclu à l'issue d'un marathon de négociations et qui demeure un succès aux yeux de bon nombre de pays et d'experts. Emmanuel Macron a fait toute une fleur au président américain lorsqu'il s'est dit prêt à « travailler sur un nouvel accord ». Rouvrir cette précieuse entente, c'est pourtant ouvrir une boîte de Pandore. L'Iran pourrait fort bien, dans la foulée, relancer son programme nucléaire.

En ce sens, les manoeuvres d'Emmanuel Macron ne sont pas sans rappeler celles du premier ministre britannique Tony Blair, qui était devenu le plus fidèle allié de George W. Bush au début des années 2000. Il avait notamment soutenu le président américain avec enthousiasme lorsque ce dernier avait déclenché la guerre en Irak, colossale erreur stratégique.

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La stratégie d'Emmanuel Macron est d'autant plus risquée qu'en donnant le bon Dieu sans confession à Donald Trump, il est en train de le normaliser. Grâce à lui, le président américain ressemble de moins en moins à un mouton noir. Il gagne en légitimité.

Espérons que le président français est conscient qu'il risque gros. Espérons aussi qu'il ne fera pas preuve d'une trop grande naïveté. Un conseil : devant Donald Trump, il aurait tout avantage à garder à l'esprit cette célèbre phrase de Winston Churchill : « Un conciliateur, c'est quelqu'un qui nourrit un crocodile en espérant qu'il sera le dernier à être mangé. »

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