Nos voisins ontariens s'apprêtent-ils à voter pour un Donald Trump canadien?

La question est légitime alors que Doug Ford vient de remporter par la peau des fesses la course à la direction du Parti progressiste-conservateur de l'Ontario.

Tout peut encore arriver d'ici le jour du scrutin en juin prochain, bien sûr. Mais les conditions sont réunies pour une victoire des conservateurs. Au taux de popularité anémique de la première ministre libérale Kathleen Wynne s'ajoute une lassitude à l'égard de son parti, qui règne sur l'Ontario depuis 15 ans.

Ils sont nombreux ceux qui comparent Doug Ford à Donald Trump. Et ce rapprochement n'est pas farfelu. Bien au contraire.

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Doug Ford, on le sait, est le frère de Rob, qui était maire de Toronto de 2010 à 2014. Un politicien aussi impulsif qu'incompétent, qui promettait de pourfendre les élites torontoises au nom des citoyens laissés pour compte. Il a plutôt terminé son mandat en pleine disgrâce, après avoir fait un fou de lui.

À l'époque où Rob dirigeait la ville, Doug était conseiller municipal. Les méthodes des deux hommes étaient similaires. Le chroniqueur du Globe and Mail Marcus Gee rappelait dimanche comment la performance du nouveau chef des conservateurs à l'hôtel de ville de Toronto avait été, comme celle de son frère, lamentable. «Il était là pour attaquer cet endroit, pas pour le faire fonctionner.»

Il faut faire attention aux généralisations abusives. Doug Ford et Donald Trump n'ont pas été séparés à la naissance. Au contraire du politicien américain, le candidat ontarien ne flirte pas, du moins pour l'instant, avec la xénophobie ou le racisme. Mais certaines ressemblances sont frappantes.

Ce sont deux hommes d'affaires qui ont fait le saut en politique sans expérience préalable et qui s'en font une fierté. Deux politiciens fabulateurs qui n'ont pas de scrupules à se servir de faits alternatifs pour brouiller les pistes et atteindre leurs objectifs.

Ce sont aussi deux perturbateurs qui misent, en politique, sur le feu et la fureur. Ils tentent de discréditer leurs rivaux et les institutions dont ils font partie (ceux qu'ils qualifient d'élite). Avec eux, les couteaux volent bas. Les insultes et le sarcasme sont fréquents.

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Le Trumpisme est contagieux. Donald Trump n'a pas inventé la recette. Loin de là. D'ailleurs, quand les Torontois ont vu comment il a fait campagne en 2016 contre Hillary Clinton, ils ont dit : hey, c'est ce qu'on a vécu avec Rob Ford!

Donald Trump, cependant, est de loin le politicien le plus connu à avoir été élu grâce à cette recette. Et son triomphe aux États-Unis, dans la foulée du rejet de l'Union européenne par les Britanniques, a complètement décomplexé ceux qui souhaitent s'en inspirer.

C'est loin d'être la façon la plus noble de surfer sur les craintes et la colère des électeurs, qui s'accentuent depuis plusieurs années. Mais ça peut être terriblement efficace.

Vous avez envie de tout casser? Ces politiciens vous promettent de le faire à votre place.

Ça peut donc être terriblement efficace... du moins pour remporter la victoire. Mais pour ce qui est de gérer un pays ou une province, c'est une autre histoire...

Et c'est bien là le problème. Les politiciens populistes et démagogues de notre époque se contentent habituellement d'instrumentaliser la frustration et le cynisme des électeurs. Ils ne proposent rien de concret pour y remédier.

Leur performance sert plutôt à alimenter encore un peu plus la frustration et le cynisme. Le cas de Donald Trump est flagrant.

Après l'élection de Donald Trump, le romancier américain John Irving, consterné, a cité l'empereur romain Marc Aurèle. «Ô combien plus graves que les causes de la colère sont ses conséquences!»

L'Ontario va peut-être bientôt devenir, hélas, un autre endroit en Amérique du Nord où l'on pourra vérifier jusqu'à quel point cet empereur-philosophe avait raison.

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