Un responsable de la Maison-Blanche a raconté au journaliste américain Jonathan Swan qu'il y a trois façons de convaincre Donald Trump de faire quelque chose.

- Lui dire que ça n'a jamais été fait auparavant.

- Lui dire que ses avocats ne lui permettront jamais de faire ça.

- Lui dire que ça va rendre fous tous ceux qui font partie de l'establishment.

Compte tenu de ces critères, énumérés récemment sur le site web Axios, on peut imaginer à quel point la proposition de rencontrer Kim Jong-un était alléchante pour Donald Trump.

Aucun président américain en fonction n'a encore rencontré un leader nord-coréen. Kim Jong-un est un dictateur particulièrement ignoble. Il est la preuve que l'homme peut être un loup pour l'homme. Il y a quelque chose de pourri dans son royaume.

Que le président américain accepte de rencontrer ce despote est un revirement spectaculaire qui survient au beau milieu de l'émission de téléréalité animée chaque jour par le président américain. Un coup de théâtre!

S'agit-il d'une énième bourde de ce président imprévisible? Non. Pour l'instant, il est permis de se réjouir prudemment, très prudemment, de cette annonce.

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Rien d'autre n'a permis, au cours des dernières décennies, de résoudre la crise nord-coréenne. Des stratégies différentes ont été mises de l'avant par les prédécesseurs de Donald Trump. Toutes ont échoué.

Au cours des premières années de son mandat, George W. Bush a surtout tenté de diaboliser la Corée du Nord. Il a dit qu'elle faisait partie de «l'axe du mal». Obsédé par l'Irak, il disait vouloir sauver le monde des armes de destruction massive de Saddam Hussein. Ironiquement, la Corée du Nord en a profité pour produire ses propres armes de destruction massive.

Barack Obama avait pour sa part dit vouloir négocier tant avec les ennemis que les amis des Américains. Il a tenu parole. Les pourparlers avec la Corée du Nord ont mené à un accord, au début de l'année 2012. Le régime avait promis que les lancements de missiles, les essais nucléaires et les activités d'enrichissement d'uranium allaient cesser. Il a rompu ce pacte quelques semaines plus tard en lançant une fusée.

Le président démocrate, échaudé, avait ensuite misé sur la «patience stratégique». En gros, il continuait de faire pression sur le pays avec des sanctions, de faire preuve publiquement d'ouverture, tout en tentant de saboter son programme nucléaire avec des cyberattaques. Résultat : bof!

Quand Barack Obama a cédé son poste à Donald Trump, il lui a dit que la Corée du Nord était la menace la plus urgente à laquelle il devrait faire face. On connaît la suite : Donald Trump s'est mis à menacer le pays, a insulter Kim Jong-un et à tenter de l'intimider en affirmant qu'il avait un plus gros bouton (nucléaire) que le sien!

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Les menaces ne représentaient en rien une solution. Une sortie de crise passait forcément par l'implication de Washington dans les pourparlers. Donald Trump n'est donc pas tombé sur la tête en disant vouloir rencontrer Kim Jong-un. Barack Obama a démontré ces dernières années (avec Cuba et l'Iran, par exemple) que dialoguer avec ceux qu'on considère comme des ennemis est plus productif que de les bouder.

Mais on sait aussi que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Donald Trump est tout sauf l'excellent négociateur qu'il prétend être. Il est incohérent. En plus, il est mal entouré. 

Sous son règne, la diplomatie américaine bat de l'aile. Le département d'État se vide. Des experts estiment que ceux qui ont suffisamment d'expérience pour préparer de tels pourparlers sont peu nombreux.

Le pari, pour Donald Trump, est risqué. On est loin de pouvoir traverser le pont dans ce dossier. En fait, on ne voit même pas encore la rivière!

Mais permettons-nous un peu de politique-fiction. Imaginons un bref instant que ce pari fonctionne. Que les deux hommes se rencontrent. Que le sommet mène à des pourparlers sérieux. Et qu'au bout du compte, la Corée du Nord accepte de renoncer à l'arme nucléaire.

Pour l'instant, Donald Trump n'a pas beaucoup d'accomplissements remarquables à son actif. Il a surtout démoli une à une les décisions prises par Barack Obama. Il est adulé par la majorité des républicains, mais généralement considéré comme une andouille par le reste des Américains.

Si Donald Trump trouve une solution à la crise nord-coréenne, il deviendra plus respectable que jamais auparavant. Et si sa présidence n'est pas plombée d'ici là par des scandales d'envergure, ses chances d'être réélu en 2020 seront nettement plus sérieuses qu'à l'heure actuelle. Surtout si l'économie continue sur sa lancée. Non seulement il y songe déjà, mais il a même annoncé samedi le slogan de sa prochaine campagne! «Gardons sa grandeur à l'Amérique.»

On jase, là... Il ne s'agit pas d'une prédiction. Il s'agit simplement de décrypter encore un peu plus la méthode Donald Trump. De réaliser que ses décisions souvent jugées insensées obéissent, parfois, à une certaine logique. Et que s'il remporte son pari nord-coréen, ce sera pour lui l'équivalent d'une victoire au Super Bowl.

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