« Donne-moi tes pauvres, tes exténués. Tes masses innombrables aspirant à vivre libres... »

Ces vers sont gravés sur le socle de la statue de la Liberté. Ils ont été évoqués aux États-Unis par ceux qui estiment que les idées et les politiques de Donald Trump en matière d'immigration ne sont pas conformes aux valeurs américaines.

Ce qui est certain, c'est que le président républicain veut accueillir moins de « pauvres » et d'« exténués ».

Il veut même expulser ceux qui sont entrés en se faufilant entre les mailles du filet.

C'est ce qui explique l'afflux de réfugiés qui franchissent actuellement la frontière canadienne, en provenance des États-Unis, dans l'espoir d'un avenir meilleur.

Une vague qui inquiète, c'est compréhensible. Elle peut donner l'impression que nos autorités sont en train de perdre le contrôle de la frontière.

Ce qui, inévitablement, pousse certains politiciens à crier au loup. Comme le député conservateur Steven Blaney, qui a dit craindre « pour la sécurité des citoyens canadiens ».

Mais jeter de l'huile sur le feu ne sert à rien.

Il faut plutôt rappeler que le Canada est loin d'être dans la situation de pays européens comme l'Allemagne, qui a vu plus de 1 million de réfugiés entrer sur son territoire depuis 2015.

Notons qu'au Canada, le Québec est la province qui a accueilli en 2017 le plus de réfugiés ayant traversé illégalement la frontière. On parle, pour janvier, de 452 personnes.

Il faut aussi rappeler que les autorités canadiennes disent être en mesure de passer au peigne fin tous les dossiers de ces demandeurs d'asile. Et que ces demandeurs n'obtiendront pas tous le droit de s'établir au Canada.

Le représentant du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à Ottawa a d'ailleurs dit à La Presse canadienne qu'il s'inquiète moins, actuellement, de la « réalité » à la frontière que de la perception de la population.

Cela étant dit, il ne faudrait pas prendre cette situation à la légère.

D'autant plus que cette vague pourrait prendre de l'ampleur au cours des prochains mois lorsque la température sera plus clémente. Et lorsque d'inévitables images de réfugiés expulsés des États-Unis par les forces de l'ordre se multiplieront dans les médias américains.

La situation est actuellement gérable, mais encore faut-il se donner les moyens de la gérer.

C'est un peu ce qu'ont tenté de faire comprendre la semaine dernière le maire de Toronto John Tory et le premier ministre manitobain Brian Pallister. L'un a demandé plus d'argent à Ottawa, alors que l'autre a réclamé une meilleure concertation avec les provinces.

L'heure est en effet venue d'établir un véritable plan d'action pour mieux faire face à cet afflux de réfugiés.

Le gouvernement fédéral a déjà dit - c'est un bon début - étudier la possibilité de déployer un plus grand nombre de policiers et de douaniers à la frontière.

Il aurait aussi intérêt à mieux s'expliquer. À dire que le Canada ne peut pas accueillir tous ceux qui voudraient y trouver refuge. Et faire comprendre pourquoi il ne veut pas rouvrir l'accord sur les tiers pays sûrs signé avec Washington. Cette entente force les réfugiés à traverser illégalement la frontière, car s'ils se présentent au poste-frontière pour déposer une demande de statut de réfugié, ils seront refoulés.

Enfin, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doivent rassurer. C'est ce qu'avait fait l'ex-ministre fédéral de l'Immigration, John McCallum, quand le pays avait accueilli avec succès 25 000 réfugiés syriens en l'espace de quelques semaines.

Les politiciens concernés doivent l'imiter et rapidement redoubler d'efforts pour dissiper les craintes, légitimes, qui se manifestent ces jours-ci.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion