« Serre les dents et souris. »

C'est, a déjà dit Christine Lagarde, ce que lui a appris la nage synchronisée. Aujourd'hui directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), elle a déjà été championne de ce sport.

Elle va très certainement continuer à mettre en pratique cette leçon au cours des prochains jours : un tribunal français vient de la reconnaître coupable de « négligence ».

Un échec retentissant pour celle qu'on n'hésitait pas, ces dernières années, à qualifier de « Française la plus influente du monde ».

L'affaire est complexe et remonte à l'époque où Christine Lagarde était ministre de l'Économie du président Nicolas Sarkozy. Elle met en scène l'homme d'affaires Bernard Tapie, qui estimait avoir été lésé (en 1992) lorsqu'il a vendu l'entreprise Adidas à une banque publique française pour faire le saut en politique. Il jugeait qu'il aurait dû obtenir plus que les 315 millions d'euros reçus à l'époque.

Afin de régler ce litige qui pourrissait depuis une quinzaine d'années, Christine Lagarde a donné son accord - « contre l'avis d'un organe consultatif », rappelait-on hier - à une procédure d'arbitrage. Un geste controversé puisque Bernard Tapie avait déjà été débouté par un tribunal en 2006.

Les Français n'étaient pas au bout de leurs surprises dans ce dossier. Les arbitres ont accordé, deux ans plus tard, une somme additionnelle de 403 millions d'euros à l'homme d'affaires (l'équivalent actuel de plus de 560 millions de dollars canadiens).

La Cour de justice de la République, qui a rendu son verdict hier au sujet de Christine Lagarde, remet les pendules à l'heure. Elle juge que la politicienne aurait dû s'opposer au versement de cette somme astronomique.

Plusieurs personnes impliquées dans cette affaire font d'ailleurs l'objet d'une enquête pour « escroquerie en bande organisée ». Et, bonne nouvelle pour les contribuables français, Bernard Tapie a été sommé, l'an dernier, de les rembourser.

Les responsables du FMI, eux, n'ont pas de quoi pavoiser. Les malheurs de Christine Lagarde écorchent leur organisation et font remonter à la surface de douloureux souvenirs.

Car Christine Lagarde a remplacé au pied levé Dominique Strauss-Kahn. Il avait quitté le FMI dans la disgrâce, accusé d'avoir agressé sexuellement une femme de chambre à New York.

Deux grands patrons de suite dont l'intégrité est remise en question... Si cette série noire devait se poursuivre, parions que certains parleraient de la malédiction du FMI.

Ce n'est toutefois pas pour éviter de faire peur aux superstitieux que le FMI doit laver plus blanc que blanc. Les pays démocratiques et les institutions internationales qu'ils soutiennent sont en perte de vitesse et de légitimité. Le cynisme à l'égard des politiciens traditionnels est à son comble.

Ces politiciens, à l'instar des membres du conseil d'administration du FMI, doivent prendre la mesure du désenchantement. Se comporter de façon exemplaire. À défaut de quoi, en cette ère où bon nombre de citoyens ressentent un profond sentiment d'injustice, ils contribueront à l'ascension de plus en plus de populistes démagogues.

Ces citoyens réclament avec raison des politiciens plus vertueux. Des élus qui n'ont pas besoin de serrer les dents en souriant.

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