Harambe, ça vous dit quelque chose ?

Il s'agit du gorille tué au zoo de Cincinnati le samedi 28 mai pour protéger un enfant de 4 ans tombé dans son enclos. C'est indiscutablement une nouvelle digne de mention. Mais comme l'a fait remarquer notre collègue Patrick Lagacé, c'est « un fait divers qui n'aurait pas survécu une seule journée, jadis ».

Or, en cette ère où les réseaux sociaux dictent, tout autant - et peut-être plus -  que les médias traditionnels les sujets de discussion qui tiennent le haut du pavé, la nouvelle a survécu trop longtemps.

Un journaliste américain a même sollicité l'avis de Donald Trump à ce sujet. Le milliardaire républicain n'a pas hésité, le plus sérieusement du monde, à se prononcer.

C'était mardi. Le débat sur le sort du gorille était à son comble. Le même jour, l'Organisation internationale pour les migrations diffusait une statistique choquante : au moins 1000 migrants se sont noyés dans la mer Méditerranée en une semaine.

Défiant toute raison, l'incident malheureux au zoo de Cincinnati a fait couler nettement plus d'encre (et poussé des centaines de milliers de personnes outrées à signer une pétition réclamant « justice » pour le gorille) que le drame des migrants, du moins en Amérique du Nord.

Le fait que la mer Méditerranée, à l'approche de l'été, se transforme en cimetière n'est malheureusement ni nouveau ni étonnant. Mais il est crucial qu'on s'y arrête et qu'on s'en scandalise.

Si l'opinion publique ne s'en émeut plus, cela ne fera que conforter les nombreux politiciens qui manquent de volonté pour faire changer les choses.

L'apathie des dirigeants du monde entier a été montrée du doigt récemment par l'International Crisis Group. Ces politiciens ont été « négligents » quant à la gestion et à la résolution des conflits qui sont à la source de cette crise historique, a soutenu cette organisation réputée. Le conflit syrien, notamment, semble encore insoluble.

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La plus récente initiative pour faire bouger les choses émane de l'ONU et date du mois dernier. Elle porte sur l'accueil des migrants. On veut y faire adopter, en septembre, un « pacte mondial de partage des responsabilités ». Car rares sont les pays qui ont été aussi proactifs que le Canada dans ce dossier.

Selon cette entente, le monde entier aurait à se partager chaque année, de façon « équitable », 10 % des réfugiés (on en dénombre actuellement 19,6 millions). Parallèlement, un plan de lutte contre la xénophobie devrait aussi être envisagé.

La volonté politique des chefs d'État sera-t-elle au rendez-vous ? Si l'opinion publique continue de s'émouvoir et de s'indigner devant le sort des migrants, les politiciens les plus réticents auront plus de mal à se défiler de nouveau.

Terminons par un avertissement : gare aux gorilles. Et gare aux autres incidents, animaliers ou pas, qui créent le buzz. Certains sont susceptibles de faire de l'ombre à des drames qui devraient pourtant figurer parmi nos priorités.

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