Un « sentiment de gâchis ».

L'expression a été utilisée par le premier ministre français Manuel Valls ces derniers jours pour décrire l'incendie social qui fait rage en France depuis la réforme annoncée du droit du travail.

Le mot est on ne peut plus juste. Des grèves qui paralysent le pays - on a même vu des pénuries de carburant en raison du débrayage d'employés des raffineries - aux manifestations qui ne cessent de dégénérer et mènent à des violences inadmissibles :  le bras de fer qui persiste depuis trois mois embête bon nombre de Français et écorche encore un peu plus l'image de « la patrie des droits de l'homme » à l'étranger.

Comment une simple réforme du Code du travail a-t-elle pu se transformer en psychodrame national ?

On a envie de hausser les épaules et de répondre en soupirant, par un cliché : parce que c'est la France. La situation actuelle est évidemment moins stéréotypée.

D'abord, le gouvernement socialiste a erré sur plusieurs plans avec sa réforme.

L'objectif du projet de loi est d'« instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » dans le but de doper la création d'emplois. Les entreprises pourront plus aisément, par exemple, revoir à la baisse le salaire et les heures travaillées par leurs employés si elles le font dans un objectif de « développement de l'emploi ». Elles pourront aussi plus facilement congédier des employés pour des motifs « économiques ». Plusieurs font le pari que cela leur permettra d'être plus audacieuses pour ce qui est de leur développement et, donc, d'embaucher plus d'employés.

L'objectif est noble. Or, dans son ensemble, le projet de loi, plus élaboré et trop ambitieux, fait tout sauf l'unanimité. Tant dans l'opinion publique (sept Français sur dix le rejettent) que chez les économistes. Il est contesté même au sein du Parti socialiste.

Bref, le gouvernement a échoué à présenter un projet de loi fédérateur.

Parallèlement, il l'a mal expliqué (des médias français notent qu'on parle de la grogne et de son impact, mais qu'on a oublié ses causes) et, en mai, l'a fait adopter de force à l'Assemblée nationale. François Hollande, dont le taux de satisfaction est à 11 %, ne pouvait pas se permettre autant de faux pas.

Les syndicats aussi ont erré dans ce dossier. Leur réaction est démesurée et choquante. Cette surenchère est liée notamment à une concurrence malsaine entre certaines grandes centrales. La plus radicale, la CGT, se montre intraitable. Elle semble ne rien vouloir savoir d'une réforme du Code du travail, même si une majorité de Français souhaite que l'État « donne plus de liberté » aux entreprises.

Ce qui est navrant, c'est qu'avec un marché du travail sclérosé et un taux de chômage qui stagne aux environs de 10 %, la France n'avait pas les moyens de s'enliser dans un tel conflit social.

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