Le crime organisé gagne du terrain au Canada grâce... au groupe État islamique et aux autres terroristes potentiels.

C'est ce qu'a affirmé Mike Cabana, qui dirige les enquêtes à la GRC, lors de son passage à La Presse cette semaine.

« Depuis octobre 2014, le crime organisé a eu une chance de développer de nouveaux réseaux et de s'ancrer dans certaines communautés », a-t-il expliqué à nos journalistes Vincent Larouche et Daniel Renaud.

On se rappellera qu'en octobre 2014, la fusillade au parlement d'Ottawa et l'attentat de Saint-Jean-sur-Richelieu ont eu lieu en l'espace de 48 heures. Ces deux attaques terroristes ont poussé la GRC à demander à pas moins de 600 enquêteurs responsables des dossiers liés au crime organisé de changer de priorité et de lutter, plutôt, contre la menace terroriste (cette année, ce nombre a été ramené à 500).

Deux hommes ont été tués à Ottawa et Saint-Jean-sur-Richelieu par Michael Zehaf Bibeau et Martin Couture-Rouleau. Parallèlement, « chaque année, il y a des centaines de personnes qui meurent au Canada à cause du crime organisé et on n'en parle pas », a fait remarquer Mike Cabana.

La perception publique des risques en matière de terrorisme est faussée pour plusieurs raisons. D'abord, chaque attentat terroriste frappe l'imagination, de par son caractère dramatique et imprévisible. Ce qui permet aux terroristes d'obtenir un écho médiatique exceptionnel.

Plusieurs experts ont démontré à quel point notre jugement est influencé, entre autres, par nos inquiétudes. Et celles-ci sont nourries par l'intense couverture accordée aux attentats terroristes et par le fait que, comme ce fut le cas au cours des derniers mois en France et en Belgique, des innocents sont tués. On se dit - avec raison, même si le risque est minime - que ça pourrait nous arriver.

C'est comme lorsqu'un avion s'écrase... On a alors tendance à oublier que le nombre de morts liées aux accidents de la route est nettement plus élevé (1,25 million en moyenne chaque année dans le monde) que les morts qui surviennent lors de catastrophes aériennes (898 l'an dernier).

La GRC n'a pas cessé de lutter contre le crime organisé. L'importante frappe contre la mafia montréalaise mercredi (14 arrestations, saisie de 220 kilos de cocaïne) le démontre.

Le déséquilibre entre les efforts mis pour lutter contre le crime organisé et ceux déployés contre le terrorisme est néanmoins préoccupant.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que des responsables de la GRC sonnent l'alarme à ce sujet.

Un ancien sous-commissaire, Pierre-Yves Borduas, avait confié au Toronto Star l'an dernier que « le trafic de drogues et d'êtres humains, le vol d'identité, le blanchiment d'argent et la fraude » allaient « prospérer » si la tendance se maintient.

D'où l'importance, pour la GRC et pour nos politiciens, de cesser de mettre presque tous leurs oeufs dans le même panier. Les ressources doivent être allouées selon une analyse rationnelle des risques, en se rappelant que la peur, en la matière, est bien mauvaise conseillère. La menace terroriste ne doit pas nous faire oublier le danger que le crime organisé représente pour nos institutions, notre économie et pour la sécurité de tout un chacun.

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