Quand Mitt Romney s'est fait battre par Barack Obama en 2012, la défaite a fait si mal aux républicains qu'ils ont décidé d'en faire « l'autopsie ».

Ils voulaient à tout prix trouver des solutions pour éviter la débâcle en novembre prochain. Ils ont publié un important rapport, qui fait près de 100 pages, mais peut se résumer en deux phrases.

 - Le parti doit cesser de se mettre à dos les minorités ethniques, les femmes et les homosexuels.

 - Le parti doit être le « champion » de tous les Américains, et pas seulement des plus riches.

Le diagnostic était clair. Pourtant, la plupart des ténors du parti ont fait comme un patient qui, après avoir vu le docteur, refuse de se rendre à la pharmacie avec sa prescription.

C'est navrant, mais ce n'est pas étonnant. Le double programme (diaboliser l'autre et favoriser les plus riches) est au coeur même de la stratégie du parti depuis plusieurs décennies.

L'économiste - et chroniqueur au New York Times - Paul Krugman est l'un de ceux qui ont décrypté cette stratégie machiavélique. Le virage a été pris, selon lui, par Ronald Reagan. Le Parti républicain a alors ouvertement décidé d'« exploiter l'intolérance sociale et religieuse » des Américains pour triompher.

Au fil des ans, ils ont mis en place un réseau d'une efficacité redoutable pour faire la promotion de leurs idées. Incluant le fait qu'il faut craindre le gouvernement fédéral (Donald Trump se présente d'ailleurs comme l'ennemi public numéro un de l'establishment qui siège à Washington), car il n'est bon qu'à redistribuer l'argent des plus riches à ceux qui ne le méritent pas.

Aujourd'hui, des médias, d'influents instituts de recherche et toutes sortes d'autres groupes ultraconservateurs - notamment religieux - défendent bec et ongles ces idées en exploitant, eux aussi, l'intolérance.

La candidature de Donald Trump n'est donc pas une erreur de parcours. Sur le plan économique, il est plus protectionniste que ses adversaires et semble davantage préoccupé par le sort des Américains qui tirent le diable par la queue. Mais sur le plan social, les idées rétrogrades et radicales de ce populiste ne sont pas si différentes de celles des ultraconservateurs Ted Cruz et Marco Rubio.

À ceci près que Donald Trump fait le pari de l'intolérance (et dans son cas, de la haine et du racisme) avec plus de fougue et de passion que ses rivaux. L'exemple le plus extrême étant son refus, lors d'une entrevue récente, de désavouer avec fermeté David Duke, ancien leader du Ku Klux Klan.

Bref, Donald Trump est le pyromane en chef.

Mais les républicains jouent avec le feu depuis des années. Et ils lui ont fourni à la fois les allumettes et le bidon d'essence.

À l'issue du super mardi, les stratèges républicains se réveillent avec une sérieuse gueule de bois. Car la société américaine, en pleine révolution démographique, est de plus en plus ouverte et tolérante. Les scrutins présidentiels récents démontrent qu'il n'est plus possible de gagner uniquement avec le votre blanc.

Si Donald Trump devient le candidat républicain, il frappera donc, possiblement, un mur en novembre. Le cas échéant, on espère que les grands bonzes du parti, lors d'une éventuelle autopsie, auront le courage d'admettre qu'ils récoltent ce qu'ils ont semé.

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