Funguyz, une chaîne de boutiques de champignons magiques, prévoit ouvrir une première succursale à Montréal ces jours-ci.

Laissons de côté la nature du commerce, qui est loin de faire l’unanimité, et attardons-nous plutôt à son nom.

Funguyz, c’est la contraction de « fun » et « guys », qui rappelle aussi le mot funghi (champignons). Nous voilà donc avec un commerce de plus qui affiche un nom anglais. Un commerce de plus qui hypothèque le visage francophone de la métropole.

L’entreprise, qui possède plusieurs succursales en Ontario, a ajouté « magasin de champignons magiques » dans la vitrine pour se conformer à la Charte de la langue française qui exige que « le français figure de façon nettement suffisante », une exigence qui, disons-le, n’est pas toujours respectée.

Or la nouvelle loi 96 restreindra encore plus l’utilisation de l’anglais dans le nom d’un commerce. Désormais, les marques de commerce devront être déposées en vertu de la Loi sur les marques de commerce. Pour afficher un nom anglais, il faudra en outre que le commerce n’ait pas un nom français correspondant. Et même s’il répond à ces conditions, il devra tout de même ajouter une description en français « nettement prédominante ». La nouvelle loi devrait entrer en vigueur dans environ trois ans.

Dans le cas de notre vendeur de champignons, il est clair que c’est le nom en anglais qui prédomine pour l’instant.

On se consolerait si cette nouvelle boutique était l’exception qui confirme la règle, mais quand on déambule dans les rues de Montréal, peu importe le quartier, on est (trop) souvent confrontés à des commerces qui arborent un nom anglais.

Et contrairement à la croyance populaire, ce n’est pas propre au centre-ville ni aux quartiers où on trouve une plus forte concentration d’anglophones, comme Côte-des-Neiges ou le Sud-Ouest, par exemple.

Non, les noms de commerce anglais ou à consonance anglophone se retrouvent sur la majorité les artères commerciales de la métropole.

De Hochelaga-Maisonneuve à Ahuntsic en passant par le Plateau Mont-Royal et La Petite-Patrie, il y a des les exemples partout.

Prenons la promenade Ontario, dans Hochelaga-Maisonneuve. À quelques mètres de distance, on y croise le restaurant Blind Pig et la Lazy Friperie. Sur l’avenue du Mont-Royal, impossible de ne pas remarquer le Penguin PickUp, à l’angle des avenues Papineau et du Mont-Royal. Est-ce si difficile de trouver un nom français pour un commerce de distribution de colis ?

Un peu plus loin, les Poké Station, Gipsy Bar et Candibar accueillent leurs clients. Pourquoi une formulation à l’anglaise ? Station Poké, ça sonne bien mieux. Un peu plus et on se croirait à Paris…

Verdun ne fait pas exception avec ses Street Monkeys ou son Verdun Beach, rue Wellington. Idem dans la rue Laurier avec son Optical Center, ou sur la promenade Fleury où le Sweet Isabelle côtoie le Umami Sushi et le Walter Bistro qui n’aurait qu’à inverser les deux mots (Bistro Walter) pour que ça sonne plus français.

Pourquoi ces commerçants ne fournissent-ils pas l’effort ? Est-ce un manque d’imagination ? La croyance que les affaires iront mieux avec une formulation ou un nom anglais ?

Bien sûr, ces petits commerces de quartier ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan commercial montréalais. Les noms de grandes enseignes sont encore plus visibles. Qu’on pense à Subway, Best Buy, Canadian Tire, The Ten Spot… Ou même à Time Out Market qui a ajouté « Montréal » au bout de son nom, avec un accent aigu sur le « e », pour se conformer à la loi. Le strict minimum, quoi… Pourquoi pas « le Marché Time Out » ?

On dira que ces multinationales sont présentes partout dans le monde avec leur nom anglais, et qu’il est plus difficile (et coûteux) pour eux de franciser leur nom uniquement pour le Québec. Pourtant, il existe des commerces qui font le petit effort supplémentaire pour respecter notre caractère francophone. Pensons seulement à Bureau en gros, un nom connu et reconnu au Québec, qui est le nom français de la chaîne Staples.

Non seulement on ne s’est pas contenté de traduire bêtement le nom du magasin (on va acheter les fournitures scolaires chez Agrafes ?), mais on a trouvé un nom en français qui s’est imposé rapidement dans l’imaginaire collectif québécois. Bravo !

Maintenant, ce serait bien que les autres emboîtent le pas.

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