On aimerait plus souvent parler de Pierre Poilievre pour autre chose que des polémiques inutiles et des dérapages stériles.

Mais on ne peut pas faire l’impasse sur ses nouvelles déclarations trompeuses au sujet des médias : il a laissé entendre que la CBC était une source de désinformation.

Récapitulons : le chef conservateur a écrit mercredi au nouveau propriétaire de Twitter, Elon Musk, pour lui demander de préciser sur son réseau que la CBC est un média « financé par le gouvernement ».

Sortie de son contexte, cette nouvelle semble banale.

Après tout, c’est la stricte vérité. Le gouvernement canadien verse plus d’un milliard de dollars à la CBC.

Mais ce qu’il faut comprendre, c’est qu’une appellation comme celle-ci est extrêmement péjorative sur Twitter.

C’est un peu l’équivalent de la lettre A que doit porter, cousue sur sa robe, l’héroïne du roman La lettre écarlate, parce qu’on l’accuse d’adultère.

Sur le réseau d’Elon Musk, on dit généralement d’un média qu’il est « affilié » à un État pour faire comprendre qu’il s’agit d’un organe de propagande. C’est le sort qu’on réserve par exemple aux médias russes et chinois.

C’est comme si on affublait un compte Twitter de la lettre D, pour l’accuser de faire de la désinformation.

La polémique a débuté mardi quand Twitter a décidé d’utiliser la mention « média affilié à l’État américain » pour présenter les comptes de la National Public Radio (NPR) aux États-Unis.

Bien sûr, les dirigeants de NPR ont dénoncé ce changement, qui les mettait dans le même panier que l’agence de presse chinoise Xinhua et d’autres médias affiliés à des dictatures.

La réseau d’Elon Musk a rapidement décidé de modifier légèrement sa mention et utilise maintenant « média financé par le gouvernement ». Un changement insuffisant pour NPR, qui a annoncé son départ de Twitter mercredi matin parce que les mesures du réseau « sapent » sa « crédibilité ».

Pierre Poilievre est non seulement intervenu pour réclamer l’ajout de cette mention pour la CBC, mais il a soutenu qu’il fallait le faire pour « protéger les Canadiens contre la désinformation et la manipulation par les médias d’État ».

Comme si le journalisme qu’on pratique à la CBC était moins rigoureux parce que le réseau était financé par le gouvernement canadien.

Comme si ce média est moins crédible que d’autres.

Comme s’il n’était pas guidé, par-dessus tout, par l’intérêt public.

Soyons clairs : la CBC est une source d’information fiable et précieuse. En prétendant le contraire, Pierre Poilievre, de façon intentionnelle, désinforme le public.

Hélas, il a possiblement trouvé un allié en Elon Musk, qui prend plaisir lui aussi à s’attaquer aux médias.

D’ailleurs, depuis un certain temps, les journalistes qui écrivent à l’équipe des relations médias de Twitter reçoivent pour toute réponse, de façon automatique, l’emoji illustrant un caca.

Au-delà du fait qu’il est temps pour Elon Musk de sortir de son stade anal, un tel mépris est odieux.

Au sein des dictatures, la liberté de la presse est généralement annihilée. Les journalistes deviennent les perroquets du régime en place.

Dans les démocraties, les nombreux politiciens qui suivent désormais les traces des populistes autoritaires doivent faire preuve de plus de ruse et d’adresse.

C’est pourquoi ils s’en prennent souvent aux journalistes dans le but de les discréditer.

Ils savent que la confiance à l’égard de la profession journalistique n’est plus ce qu’elle était et ils en profitent pour tirer sur l’ambulance.

En cela, Pierre Poilievre semble s’inspirer de Donald Trump et d’autres politiciens voyous aux États-Unis et ailleurs qui cassent du sucre sur le dos des journalistes qui ne mangent pas dans leur main.

Il est clair que certaines déclarations de la présidente de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, qui a critiqué le chef conservateur au cours des derniers mois, étaient maladroites et malavisées.

Mais ça n’excuse en rien l’acharnement dont Pierre Poilievre fait preuve à l’égard des journalistes en général et de ceux de la CBC en particulier.

On ne peut pas à la fois brandir la liberté comme un étendard et écorcher la liberté de la presse.

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