Un « moment Paris ». Voilà comment Steven Guilbeault a décrit l’accord sur la biodiversité qui vient d’être signé à Montréal à l’issue de la COP15.

La comparaison donne à la fois envie d’applaudir et de grimacer.

Applaudir, parce que l’Accord de Paris, auquel fait référence le ministre canadien de l’Environnement, fut une grande victoire diplomatique. En 2015, les pays du globe s’entendaient pour limiter le réchauffement de la planète à 2 oC, idéalement à 1,5 oC.

À Montréal, lundi, ils ont fait preuve d’une ambition similaire en s’engageant à protéger 30 % de la nature d’ici 2030. Oui, c’est « historique », comme on l’a répété.

Le hic qui fait grimacer, c’est que chez nous, l’Accord de Paris a été ratifié, mais n’a pas encore conduit à des réductions des émissions de GES.

Bref, la réussite diplomatique ne s’est pas traduite en succès sur le terrain.

On doit en tirer des leçons. Examiner ce qui a été fait pour le climat – et, surtout, ce qui n’a pas été fait – depuis Paris peut nous aider à éviter les mêmes erreurs pour la biodiversité.

Et à transformer ce qu’on appelle maintenant le « Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal » en succès réel et concret. (Kunming est la ville chinoise où devait avoir lieu la conférence à l’origine.)

La même chose est vraie pour les objectifs d’Aichi sur la biodiversité, adoptés en 2010, mais jamais atteints.

Dire que l’Accord de Paris n’a eu aucun impact au Québec et au Canada serait malhonnête. C’est grâce à lui que le Canada s’est doté d’une « loi sur la responsabilité en matière de carboneutralité », qui oblige le gouvernement fédéral à accoucher de plans pour atteindre ses cibles de réduction.

C’est grâce à lui, aussi, que le fédéral planche sur une loi pour plafonner les émissions du secteur pétrolier.

Mais il y a des problèmes.

L’un d’entre eux est que le Canada est parti en retard. La loi censée mettre en œuvre l’Accord de Paris a été adoptée plus de cinq ans après la signature de ce dernier.

Cette fois, il faut examiner rapidement si nos lois actuelles, notamment la Loi sur les espèces en péril, ont assez de mordant pour atteindre les objectifs négociés à Montréal.

Sinon, et ça paraît probable, il faut adopter rapidement une nouvelle loi sur la biodiversité. C’est d’autant plus vrai que le fait que la COP15 s’est tenue chez nous a mobilisé autant nos politiciens que la société civile. On doit profiter de la formidable impulsion générée.

Cette éventuelle loi sur la biodiversité devra éviter certains pièges.

La loi fédérale sur le climat oblige le gouvernement fédéral à faire des plans, mais pas à atteindre ses objectifs. On aurait intérêt à regarder du côté du Royaume-Uni, où la loi climatique est si contraignante qu’elle expose le gouvernement à des poursuites s’il rate ses cibles.

Et ça marche. Les Britanniques atteignent systématiquement leurs cibles climatiques et affichent des réductions de GES de 20 % depuis 2015 et de 44 % depuis 1990. Les émissions de tous les secteurs y sont en baisse, incluant celles du transport qui explosent chez nous.

Il n’y a pas de mal à copier les meilleurs. À l’instar de la loi climatique britannique, nos lois sur la biodiversité devraient comporter des obligations de résultat.

On parle beaucoup du fédéral, mais l’environnement est une compétence partagée au Canada. Les provinces contrôlent des secteurs-clés comme la gestion des forêts, l’énergie, les transports et l’aménagement du territoire.

Québec doit donc également implanter le cadre de Kunming-Montréal en créant des lois ou en renforçant celles en place.

Nous avons au Québec un indicateur qui ne ment pas : le caribou forestier. Pour l’instant, l’aiguille est dans le rouge et descend toujours. Les citoyens attendent impatiemment de la voir remonter.

Les lumières et les caméras du monde entier ont été braquées sur Montréal pendant la COP15. Maintenant que la visite est partie, l’heure est à l’action.

Sinon, le cadre de Kunming-Montréal sur la biodiversité ne restera que ce qu’il est actuellement : un document de 14 pages rempli d’excellentes intentions, que ni le caribou forestier ni le chevalier cuivré ne peuvent lire.

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