Le Québec a compris avant bien d’autres nations qu’une garderie est infiniment plus qu’un lieu où on dépose son enfant le matin et où on le récupère le soir.

Nos garderies contribuent au développement des tout-petits et à l’égalité des chances.

Elles participent à la vigueur économique du Québec en ramenant des parents, en majorité des femmes, sur le marché du travail.

Elles sont aussi un lieu d’ancrage dans les quartiers. Les enfants s’y font des amis qui les suivent souvent à l’école. Les parents y socialisent pendant que la marmaille cherche ses mitaines ou attache ses bottes. De tels endroits où des liens se tissent sont de plus en plus rares.

C’est cette dimension locale et communautaire qu’il faut préserver dans la vaste réforme des garderies subventionnées entamée par la CAQ.

Un document de consultation, obtenu récemment par Radio-Canada, sème l’inquiétude à ce sujet. Le critère de proximité géographique, dont on tient habituellement compte pour attribuer les places en garderie, a été relégué aux oubliettes au profit de critères socio-économiques.

Lisez l’article de Radio-Canada

Cela fait planer le spectre de parents qui ne choisissent pas la garderie la plus près de chez eux, mais bien la première où ils peuvent trouver une place. Avec l’alourdissement de la routine que cela entraînerait – gaz à effet de serre en prime si ça force les parents à prendre l’auto.

Oui, il est tôt pour paniquer. Le document fourni à Radio-Canada détaille des hypothèses de travail. La réforme en cours ne sera appliquée qu’en 2024. Mais 25 ans après la création des CPE, on a enfin l’occasion de s’interroger sur le rôle des garderies subventionnées, qu’on parle de CPE ou de garderies privées.

Il est bon que ces discussions soient publiques et que les débats aient lieu.

Les inquiétudes qu’on entend actuellement sont normales. On ne fait pas un ménage sans soulever de la poussière. Et ce ménage, la CAQ a le mérite de l’avoir entamé.

En 1997, Pauline Marois créait le réseau des CPE pour « contribuer au développement et à l’égalité des chances de tous les enfants, notamment ceux subissant les effets néfastes de la pauvreté ».

En 2020, la vérificatrice générale a montré que c’est loin d’être toujours le cas.

À Montréal et à Laval, les enfants de milieux défavorisés sont sous-représentés dans les CPE. Ce sont pourtant eux qui bénéficient le plus d’un service de garde de qualité.

Le constat est le même pour les enfants handicapés et autistes. Bref, notre réseau échoue à aider ceux qui en ont le plus besoin.

Lisez le rapport de la vérificatrice générale

C’est à cela que s’attaque la CAQ et c’est tout à son honneur.

Les garderies subventionnées ont actuellement leurs propres critères d’admission. Ceux-ci doivent être approuvés par Québec, mais il y a de l’abus. Certaines garderies sélectionnent les enfants sur la base de leur religion. Dans d’autres, il faut être « recommandé » par le conseil d’administration pour obtenir une place. Bonjour l’arbitraire.

Québec propose de remplacer cela par un système de points géré par le ministère de la Famille. Il favoriserait les familles immigrantes, monoparentales et défavorisées ainsi que les enfants aux besoins particuliers. L’idée est bonne. Mais s’il est souhaitable d’intégrer les enfants handicapés et autistes, il faudra que les moyens suivent pour le faire adéquatement.

Il est aussi clair qu’au-delà des critères socio-économiques, les garderies doivent être accessibles aux parents qui habitent à proximité. Et il ne faudrait pas non plus fermer la porte aux parents de la classe moyenne qui travaillent tous les deux et qui ont besoin de places.

Ce qui nous amène à l’essentiel. Le fait qu’on débatte de qui doit avoir accès aux garderies subventionnées est le symptôme d’un mal plus grave : le manque de places.

La bonne nouvelle : Québec en est conscient et y travaille. Le gouvernement a créé 8941 places subventionnées depuis un an et la CAQ s’est engagée à convertir pas moins de 56 000 places non subventionnées en place subventionnées d’ici 2027.

Plusieurs chantiers sont donc en cours pour améliorer nos garderies. C’est tant mieux. Il reste à les mener à terme, en s’assurant que les bonnes idées ne conduisent pas à des effets pervers.

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