Ainsi, Éric Duhaime a été « très heureux de voir les Chinois manifester contre les mesures sanitaires abusives ».

C’est ce qu’il a écrit sur son compte Twitter mercredi.

Jusqu’ici tout va bien. Le problème, c’est le reste de son tweet, dégoulinant de sarcasme.

« Content de constater également que certains médias et certains politiciens d’ici s’en réjouissent, eux qui ont tant méprisé les manifestants pacifiques du convoi de la liberté », a-t-il ajouté.

Euh…. Par où commencer ?

Ce n’est pas la première fois qu’on cherche à comparer la situation qui prévalait au Québec et au Canada, au plus fort des mesures sanitaires, avec la vie sous une « dictature ».

Mais c’est un parallèle qui ne tenait pas la route auparavant… et qui est encore plus absurde aujourd’hui.

D’abord parce que les manifestations récentes en Chine ne peuvent être détachées de leur contexte : depuis le début de la pandémie, le pays défend bec et ongles une politique agressive zéro COVID.

Le gouvernement chinois ne cherche pas simplement à aplatir la courbe et à limiter la propagation du virus pour protéger les plus vulnérables ou empêcher que ses hôpitaux débordent – comme ce fut le cas ici.

Pékin met de l’avant, depuis près de trois ans, des mesures draconiennes sans commune mesure avec ce que nous avons connu. Son objectif – irréaliste – est d’éradiquer le virus.

Et on ne parle pas seulement des nombreux tests PCR obligatoires auxquels doivent se soumettre régulièrement les Chinois…

Des immeubles, des quartiers et parfois des villes au grand complet font l’objet de confinements aussi stricts qu’interminables.

Résultat : au cours des dernières années, on a notamment entendu parler de cas de Chinois qui ne pouvaient pas obtenir les soins médicaux dont ils avaient besoin ou qui ne parvenaient pas à manger à leur faim.

Le drame qui a servi d’élément déclencheur aux manifestations des derniers jours pourrait d’ailleurs être le résultat de mesures de confinement extrêmes. Elles seraient responsables de la lenteur de l’intervention des pompiers qui devaient éteindre un incendie dans un immeuble (dont les habitants étaient en quarantaine) du Xinjiang le 26 novembre dernier. Les autorités ont fait état de dix décès.

Le New York Times a souligné qu’on a signalé, sur place, des barricades et des portes verrouillées, c’est-à-dire des pratiques habituelles lors des confinements en Chine.

Un autre élément déclencheur, c’est une brèche dans la censure médiatique. Ce serait cocasse si ce n’était pas si affligeant : en regardant les matchs de la Coupe du monde de soccer à la télé, les Chinois ont constaté que le reste de la planète avait appris à vivre avec la COVID, maintenant que le vaccin offre une protection respectable et que le variant Omicron est moins dangereux.

Les censeurs chinois ont vite corrigé cette erreur. On tente de ne plus montrer, désormais, les images des spectateurs rassemblés (sans masques) dans les stades du Qatar. Mais le mal est fait.

À ce sujet, faut-il aussi rappeler à Éric Duhaime que la liberté de la presse n’existe pas en Chine, alors qu’elle est vigoureuse ici ?

Ah oui, c’est vrai, il faudrait aussi en informer l’Université d’Ottawa, qui s’est récemment pliée aux demandes de l’ambassadeur de Chine au Canada et a empêché les journalistes de filmer son discours. Eh, misère…

Revenons, en terminant, sur le traitement réservé aux manifestants. N’imaginez surtout pas que Pékin va leur permettre de s’installer dans la Cité interdite pendant des semaines comme ce fut le cas au centre-ville d’Ottawa ! Non, vous ne verrez pas de manifestants trinquer dans un jacuzzi sous le portrait de Mao, comme certains l’ont insinué sur Twitter en réponse à Éric Duhaime.

En Chine, toute manifestation doit être réprimée, coûte que coûte.

Et gageons que le régime punira sévèrement les manifestants afin de tuer cette rébellion dans l’œuf. Ce sera d’autant plus facile que pour les traquer, il dispose maintenant d’un appareil de surveillance sophistiqué qui fait fi de toutes les libertés individuelles qui nous sont chères.

Les manifestations ont-elles fait voler en éclats le mythe d’une « société harmonieuse », comme l’a soutenu jeudi un leader étudiant des manifestations de la place Tiananmen ? Peut-être. Elles vont aussi, vraisemblablement, pousser le régime de Xi Jinping à modifier certaines mesures sanitaires. Mais elles ne vont rien changer à son autoritarisme.

Insistons : toute comparaison entre la façon dont on a traité les manifestants ici et la réaction du régime chinois à la colère de son peuple est irrecevable.

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