« Pourquoi faire aujourd’hui ce que tu pourrais faire demain », chante Lisa LeBlanc.

Ce fut pendant trop longtemps le credo du gouvernement Trudeau quant à l’adoption d’une stratégie fédérale sur l’attitude à prendre à l’égard de la Chine.

À sa décharge, pendant un certain temps, la situation de deux prisonniers canadiens détenus en Chine (les deux Michael) était trop délicate pour risquer d’irriter Pékin davantage.

N’empêche que l’accouchement d’une stratégie dite « indopacifique » a été beaucoup trop long. Elle sera rendue publique au cours du prochain mois, soit… sept ans après l’arrivée au pouvoir du gouvernement libéral.

Les récentes révélations concernant l’ingérence de la Chine dans les élections fédérales de 2019 nous rappellent à quel point des lignes directrices cohérentes pour l’ensemble du gouvernement fédéral sont cruciales.

Sans compter que la GRC vient d’annoncer l’arrestation d’un employé d’Hydro-Québec pour espionnage au profit de la Chine. Ce nouveau cas d’espionnage industriel présumé au profit de Pékin nous rappelle, lui, à quel point nous avons trop pris cette menace à la légère au cours des dernières années.

Ce dont il faut se réjouir, par contre, c’est que le réveil tardif du gouvernement fédéral s’annonce positif.

À Ottawa, on a compris que la Chine « est une puissance mondiale qui bouleverse de plus en plus l’ordre mondial ». Et qui « cherche à façonner l’environnement mondial de manière à ce qu’il soit plus permissif pour des intérêts et des valeurs qui s’écartent de plus en plus des nôtres ».

C’est ce qu’a expliqué la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly lorsqu’elle a dévoilé les fondements de la stratégie à venir. Elle a même prévenu les entreprises qui font affaire avec la Chine des risques auxquels elles font face.

Le gouvernement Trudeau semble donc avoir, désormais, les yeux grands ouverts quant à la véritable nature de la Chine.

La ministre Joly a fait preuve d’autant de fermeté mardi en Indonésie quant à l’ingérence de la Chine dans le processus démocratique canadien. Elle a promis que les agences de renseignement et les forces policières seront « proactives ». Justin Trudeau, lui, a interpellé Xi Jinping à ce sujet lors d’une rencontre impromptue.

Mais lorsqu’ils seront de retour au pays, il faudra que les bottines du gouvernement suivent les babines. Il importe d’aller au fond de cette histoire. Et on devra nous expliquer rapidement quels moyens on envisage pour éviter que cela se reproduise.

Dans ces circonstances, imaginons un instant de quoi nous aurions eu l’air si le gouvernement fédéral était sur le point de dévoiler une stratégie indopacifique qui ne prône que la coopération avec Pékin… en omettant de parler de la menace représentée par les ambitions impériales du pays !

Garder les yeux ouverts, cela dit, ne signifie pas mettre de l’avant une thérapie de choc.

Le gouvernement fédéral n’a pas l’intention d’affirmer que le Canada devrait couper les ponts avec le régime de Xi Jinping.

Ça aussi, c’est une sage décision.

On aurait tort d’adopter une attitude de repli. Ce serait à la fois mal avisé et contreproductif.

Le dragon chinois est devenu aussi incontournable, sur la scène internationale, que l’aigle américain. Et ce rééquilibrage de la puissance devrait s’accentuer à l’avenir. Il est illusoire de penser le freiner. Il faut plutôt s’y adapter.

« La taille et l’influence de la Chine rendent la coopération nécessaire pour faire face aux pressions existentielles du monde, comme la santé mondiale, la non-prolifération nucléaire, le changement climatique et la perte de biodiversité », a expliqué Mélanie Joly.

La Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15, présidée par la Chine) qui aura lieu le mois prochain à Montréal est d’ailleurs un bel exemple de coopération.

Cela dit, ne nous berçons pas d’illusions. On ne peut pas s’attendre à ce que le régime chinois accueille la nouvelle stratégie canadienne avec un grand sourire.

Il pourrait y avoir un prix à payer pour se tenir debout.

Mais le constat est sans appel : on voit la Chine voler nos secrets technologiques, s’ingérer dans notre processus démocratique et pratiquer l’intimidation sur la scène internationale. Alors qui, franchement, voudrait qu’on se contente de réagir en courbant l’échine ?

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