Des églises vides, des factures d’entretien salées, des paroisses déficitaires…

Voilà le scénario qui se répète dans bien des villes et des villages du Québec. Le toit de l’église coule, les marches du perron doivent être refaites, les coûts de chauffage sont prohibitifs. Un beau matin, la fabrique de la paroisse se réveille et ne voit plus d’autres options que de mettre la clé sous la porte.

Le plus récent exemple est celui de l’église Sainte-Cécile, dans le quartier Villeray. La fabrique s’apprêtait à déclarer faillite quand un comité de citoyens, mobilisé à la toute dernière minute, l’en a empêché.

La loi 69 modifiant la Loi sur le patrimoine culturel, adoptée en 2021, a renvoyé la responsabilité des églises et des monuments religieux dans la cour des villes. Ce sont elles, désormais, qui décident de leur avenir en leur accordant une protection ou en empêchant – ou permettant – leur conversion en condos par règlement de zonage.

La loi 69 permet également aux communautés locales de déposer un projet auprès du Conseil du patrimoine religieux du Québec qui peut les accompagner, techniquement et financièrement, dans leurs démarches pour requalifier l’usage d’une église.

Il existe plusieurs exemples de reconversions d’églises inspirantes dans la province : qu’on pense au Monastère des Augustines ou à la Maison de la littérature, à Québec, au théâtre Paradoxe, dans le sud-ouest de Montréal, ou au projet de l’artiste Pilou, le Bureau estrien de l’audiovisuel et du multimédia à Saint-Adrien, en Estrie.

Pour qu’un projet se concrétise, la communauté doit absolument s’impliquer. La subvention du Conseil du patrimoine religieux ne suffit pas, il faut organiser une campagne de financement, des activités de levée de fonds. Il faut un attachement des citoyens à l’immeuble en question.

Pour éviter des situations comme celles de l’église Sainte-Cécile, où les citoyens ont été mis au courant à minuit moins cinq, les villes doivent absolument mettre à jour leur inventaire patrimonial et consulter la population. Une meilleure collaboration avec les fabriques serait également souhaitable. Enfin, le ministère de la Culture pourrait bonifier ses subventions. À l’heure actuelle, le Conseil du patrimoine religieux du Québec ne fournit pas à la demande.

Cela dit, il n’est pas question de transformer TOUTES les églises du Québec en salle de concert ou en centre communautaire.

Il existe 98 lieux de culte qui ont le statut d’immeuble patrimonial classé au Québec. Il faut absolument les protéger et les entretenir. Ils font partie de notre histoire et de notre paysage. À elle seule, l’île d’Orléans en compte cinq. C’est une évidence que les municipalités ne peuvent pas, seules, financer l’entretien de ces églises. Le ministère de la Culture doit les prendre sous son aile.

Or, on observe une certaine réticence à se porter à la défense de nos églises au Québec. La laïcisation de la société québécoise et les nombreux cas d’abus sexuels liés à l’Église catholique ont porté ombrage à leur protection.

C’est pour cette raison qu’il faut absolument séparer la religion du patrimoine. Il ne faut plus voir ces églises désaffectées comme des lieux de culte, mais plutôt comme des trésors patrimoniaux.

Pour faire la distinction, certains experts, comme la professeure de l’UQAM Lucie Morisset, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain, proposent qu’on parle de « patrimoine ecclésial » plutôt que de « patrimoine religieux », question de bien distinguer les deux.

Il faudrait également une stratégie plus articulée de la part du ministère de la Culture en ce qui concerne l’entretien et la mise en valeur de cette centaine d’églises qui constituent une vraie richesse patrimoniale.

Quand on connaît la valeur qu’accorde le gouvernement Legault à tout ce qui touche la question identitaire – et quand on calcule les centaines de millions de dollars estimés pour le projet des espaces bleus qui n’enthousiasment personne –, on apprécierait un geste fort du nouveau ministre de la Culture, Mathieu Lacombe. Après tout, les clochers du Québec font partie de notre identité. Ils devraient être une fierté nationale.

Ce texte a été modifié afin de préciser que Lucie Morisset est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain. Une version antérieure de ce texte indiquait qu'elle était codirectrice du Forum canadien de recherche publique sur le patrimoine, un poste qu'elle n'occupe plus aujourd'hui.

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