Cherchez l’erreur. Au moment où l’hiver est à nos portes, Montréal compte 1600 places pour accueillir les personnes en situation d’itinérance.

En 2018, un dénombrement avait pourtant identifié 3149 sans-abri dans la métropole. Comme l’exercice ne capte que la partie visible de l’itinérance, on sait qu’ils étaient encore plus nombreux.

Depuis, la pandémie, l’inflation et la crise du logement ont frappé. Si bien que tout le monde s’entend pour dire que le nombre de personnes en situation d’itinérance a grimpé, peut-être même fortement.

De combien ? Un nouveau dénombrement a été effectué le mois dernier. Malheureusement, les résultats ne seront connus… que l’an prochain. L’Institut national de santé publique du Québec, qui pilote le projet, veut en tirer des statistiques et des analyses fines. Fort bien. Mais il aurait été pratique d’avoir un chiffre plus rapidement pour arrimer les ressources aux besoins.

À cette augmentation s’ajoutent deux phénomènes. D’abord, on note une forte recrudescence des demandeurs d’asile qui traversent au chemin Roxham. Septembre a été un mois record avec 3650 interceptions et rien n’indique que la tendance soit en train de s’atténuer.

Ensuite, depuis quelques mois, des Mexicains arrivent par milliers à l’aéroport Montréal-Trudeau pour demander eux aussi l’asile.

Ces gens, qu’on se doit d’accueillir humainement, mettent une pression supplémentaire sur les logements et les ressources.

Les demandeurs d’asile bénéficient d’un hébergement temporaire. Une partie d’entre eux (environ 1200) sont pris en charge par le provincial via le programme régional d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile (PRAIDA). L’hébergement des autres est géré par le fédéral, qui les loge dans des hôtels. Le fédéral n’a pas de « plafond » et dit répondre à la demande. Aucun migrant n’est jeté à la porte de son hébergement temporaire.

Mais à plus long terme, on sait néanmoins qu’une partie des migrants se retrouvent en situation précaire. La semaine dernière, Radio-Canada publiait un reportage intitulé « L’itinérance menace les migrants du chemin Roxham ». On y apprenait que les organismes communautaires qui offrent de l’hébergement d’urgence aux nouveaux arrivants sont débordés.

« C’est fou. On doit refuser des hommes seuls, des femmes, des familles », nous confirme Kicha Estimée, directrice du centre Latraverse.

« Les organismes dénotent une plus grande présence des personnes demandeuses d’asiles dans les refuges et dans la rue », note aussi Centraide.

Les mathématiques sont donc formelles : le nombre de personnes en situation d’itinérance à Montréal dépasse le nombre de places pour les accueillir, et des signaux indiquent que la pression grimpe. Les autorités seront-elles prêtes à réagir en cas de dépassement des capacités ?

Impossible à savoir. La Ville de Montréal et Québec, via le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, se renvoient la balle à ce sujet. C’est tout sauf rassurant.

On dira que ce ne sont pas tous les itinérants qui veulent aller en refuge. C’est vrai. Mais c’est peut-être en partie parce que l’hébergement offert ne convient pas à tous. On doit se demander ce que font les centaines, voire les milliers d’entre eux qui n’ont pas de lit.

Il est aussi vrai que les 1600 places actuelles sont, en quelque sorte, une victoire. Jusqu’à l’an dernier, l’enjeu de l’itinérance était géré de façon saisonnière.

On créait des centaines de places d’urgence l’hiver qu’on démantelait ensuite. Comme si l’itinérance était un phénomène hivernal au même titre que la pêche sur glace.

Pour la première fois, les 1600 places offertes l’hiver dernier ont été pérennisées. C’est à saluer. Mais compte tenu des réalités qui changent rapidement, on doit réévaluer si elles sont suffisantes et adaptées aux besoins.

Notre proverbial filet social est fait de multiples couches. Ceux qui glissent vers l’itinérance sont tombés à travers plusieurs trous. À long terme, la lutte à l’itinérance est complexe et passe donc par le raccommodage de ces trous meilleurs services de santé mentale, aide à la dépendance, mesures de logement abordable, accueil et intégration des immigrants.

Mais à court terme, offrir un toit à ceux qui n’en ont pas est le tout dernier filet qu’on peut leur tendre. Assurons-nous qu’il ne soit pas troué lui aussi.

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