Combien de fois un homme peut-il détourner la tête et prétendre qu’il n’a rien vu ?

C’est la question que pose Bob Dylan dans sa chanson Blowin’ in the Wind. C’est aussi celle que nous lançons au ministère de l’Environnement du Québec.

À Rouyn-Noranda, le ministère se montre très peu empressé de connaître l’ampleur de la contamination des terrains sur lesquels vivent les citoyens. Des signes clairs montrent pourtant que les taux de contaminants dans le sol dépassent les normes fixées par règlement à plusieurs endroits.

Le responsable, vous l’aurez deviné, c’est la Fonderie Horne.

En 2019, la Direction de santé publique (DSP) de l’Abitibi-Témiscamingue a prélevé aléatoirement des échantillons de sol sur 156 terrains résidentiels et découvert que dans près d’un quart d’entre eux (33), les limites permises pour le cadmium, l’arsenic ou le plomb étaient dépassées.

Fait troublant, la DSP a constaté que les terrains problématiques ne sont pas tous situés dans le quartier Notre-Dame, qui jouxte la Fonderie. Comment est-ce possible ? Bob Dylan répondrait que « la réponse est dans le vent qui souffle ».

Le vent disperse les polluants émis par les cheminées de la fonderie, qui finissent par retomber au sol et s’y accumulent au fil des décennies.

Face à ces résultats, la DSP a recommandé de mener une étude dans l’ensemble de la ville de Rouyn-Noranda afin de mesurer l’ampleur du problème. Cette recommandation a même été formulée deux fois plutôt qu’une.

Cette semaine, le Ministère a fermé la porte à une telle analyse.

« Il faut considérer que la priorité demeure la réduction des émissions atmosphériques », a affirmé le Ministère.

Cette réponse est carrément choquante.

Une caractérisation des sols est bel et bien menée sous la supervision de la Fonderie Horne, mais uniquement dans le quartier Notre-Dame… alors qu’on sait pertinemment que la contamination ne s’y limite pas !

Québec va ici à l’encontre de l’avis des experts. En refusant de documenter le problème, le gouvernement espère-t-il qu’il n’aura pas à le gérer ? On reconnaît la bonne vieille tactique de l’autruche qui se met la tête dans le sable.

Les spécialistes affirment pourtant que les poussières contaminées qui reposent au sol sont encore plus dangereuses que les contaminants flottant dans l’air puisqu’elles peuvent être ingérées.

Le rapport de la DSP évoque des risques de cancer, de diabète, de maladies de la peau, de problèmes cardiaques. On parle aussi de troubles neurodéveloppementaux, en particulier chez les enfants.

Il ne s’agit pas de faire peur au monde. Il s’agit simplement de documenter le problème, première étape d’une démarche sérieuse. Les citoyens ont le droit de savoir ce qui se trouve dans le sol sur lequel ils vivent.

Au cabinet du ministre Benoit Charette, le ton était moins catégorique cette semaine. On affirme maintenant qu’il « n’est pas exclu » de demander à la Fonderie Horne de caractériser les sols partout en ville.

Cette exigence pourrait s’inscrire dans le renouvellement de l’autorisation ministérielle accordée à la fonderie, qui encadre ses rejets de contaminants.

Cette ouverture est peut-être réjouissante, mais soyons clairs : le Ministère doit être beaucoup, beaucoup plus ferme. Cette exigence doit absolument se trouver dans la prochaine autorisation ministérielle.

Quant aux terrains problématiques, ils devront être réhabilités aux frais de la fonderie. C’est simplement le principe du pollueur-payeur.

Depuis que les problèmes de la Fonderie Horne ont fait surface dans les médias, le gouvernement Legault fait preuve d’un désolant manque de leadership.

Il a tenté de se dégager de ses responsabilités en affirmant que c’est aux « citoyens de décider » du sort de l’usine. Il n’a jamais envoyé le message clair que les normes environnementales devront finir par être respectées. Voilà maintenant qu’il détourne les yeux devant un problème de contamination des sols.

Nous le redemandons : à quand un changement d’attitude qui montrerait que les règlements ne sont pas des suggestions pouvant être ignorées par les entreprises et que la santé des citoyens est une priorité ?

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