Pourquoi tenter de réparer ce qui n’est pas brisé ? Le dicton semble avoir inspiré François Legault lors de la composition de son conseil des ministres.

Les changements annoncés vont se faire… dans la continuité. Force est de reconnaître la valeur de l’expérience de ce gouvernement, tout particulièrement en matière d’économie et de santé. Des nouveaux venus ont par ailleurs été placés dans des postes névralgiques, là où des faiblesses avaient été constatées lors du premier mandat. Beaucoup de signes encourageants, donc. Mais il y aura aussi dans certains secteurs des écueils à éviter et des travers dans lesquels il ne faudrait surtout pas retomber. Les défis seront nombreux pour les ministres du gouvernement Legault 2.0. En voici dix, tous plus urgents les uns que les autres.

Économie

Il y a quatre ans, François Legault disait avoir formé un « gouvernement de l’économie ». Rétrospectivement, il semble évident que bon nombre d’électeurs ont été rassurés par le noyau dur de la Coalition avenir Québec (CAQ) en cette période d’incertitude économique. Éric Girard (aux Finances), Pierre Fitzgibbon (à l’Économie) et Sonia LeBel (au Trésor), devenus de véritables piliers, restent en place. Et le premier ministre va continuer de donner le ton à l’équipe. Créer de la richesse (et réduire l’écart avec l’Ontario) demeure pour lui une obsession. Il y a cependant une différence entre distribuer les surplus hérités de l’ère libérale et maintenir un navire à flot en pleine tempête. Leur résilience sera testée comme jamais auparavant.

Santé

« Le plus grand défi de gestion au Québec, c’est la Santé », a dit François Legault jeudi. Impossible de le contredire. La question est plutôt de savoir si, enfin, après tant de promesses déçues au cours des dernières décennies, son gouvernement saura utiliser son second mandat pour remettre le réseau sur les rails. « On a le bon capitaine », a dit le premier ministre. Là encore, on lui donne raison. Le plan de match dévoilé par Christian Dubé à la fin du premier mandat, tout comme l’aplomb et le dynamisme qu’il manifeste, sont de bon augure. Lionel Carmant a également de nombreux chantiers cruciaux en cours (protection de la jeunesse, santé mentale, etc.). Ajoutons que la nomination de Sonia Bélanger — issue du milieu de la Santé – comme ministre responsable des Aînés est à première vue une bonne nouvelle.

Montréal

On n’a eu qu’à constater la réaction de la mairesse de Montréal à l’issue de l’annonce du nouveau conseil des ministres pour comprendre que sélectionner Pierre Fitzgibbon comme ministre de la Métropole est un choix judicieux. C’est « un signal fort qui confirme la place centrale de Montréal dans les priorités » du gouvernement, a soutenu Valérie Plante. À Québec, autour de la table, l’influence de ce superministre sera un atout pour Montréal. Un tel signal, à Montréal, on l’attendait depuis trop longtemps.

Immigration

Jean Boulet n’est plus titulaire du portefeuille de l’Immigration et c’est tant mieux. On ne peut pas déclarer que « 80 % des immigrants s’en vont à Montréal, ne travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise » (ce qui est faux) tout en étant à la tête de ce ministère. La nomination de Christine Fréchette est un autre des messages positifs offerts jeudi (au même titre que voir Éric Girard devenir responsable des Relations avec les Québécois d’expression anglaise). On notera aussi avec intérêt que François Legault dit maintenant vouloir qu’on aborde l’immigration « comme une solution pour l’avenir du français plutôt que comme un problème ». Ce virage est souhaitable. Mais sera-t-il durable ?

Relations avec les Autochtones

Ian Lafrenière a déployé des efforts importants, sur le terrain, pour créer des ponts avec l’ensemble des communautés autochtones. Résultat ? Hum… Le premier mandat de la CAQ s’est distingué « par la somme des rendez-vous manqués avec les Autochtones », a conclu le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, en juin dernier. Les gestes posés n’ont pas été à la hauteur des efforts engagés. Est-ce que l’arrivée d’une première Autochtone au Conseil des ministres, Kateri Champagne Jourdain, changera la donne et sensibilisera davantage les ténors de la CAQ ? On peut l’espérer.

Environnement et changements climatiques

François Legault : premier ministre de la Transition énergétique ? On demande de le voir pour le croire. On n’a jamais senti, lors du premier mandat de la CAQ, que la lutte contre les changements climatiques était une priorité pour le gouvernement. Remplacer Benoit Charette à l’Environnement par un ministre plus influent aurait été une bonne façon de modifier une dynamique où le sort de nos écosystèmes est marginalisé. Quant aux craintes liées au double mandat de Pierre Fitzgibbon (Économie et Énergie), elles sont loin d’être futiles. À suivre de très, très près.

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Transports

La communication est la force de la nouvelle ministre des Transports, Geneviève Guilbault. Elle fera mieux la promotion du troisième lien que son prédécesseur, François Bonnardel. C’est certain. Le problème, c’est que le ver est dans la pomme. C’est la nature même du projet qui est problématique (le refus de dévoiler les études en dit long). En ce sens, ce ministère pourrait se révéler, pour elle, un cadeau empoisonné doublé d’un défi insurmontable. Elle pourrait toutefois s’illustrer en accordant tant à Montréal qu’au transport collectif l’attention qu’ils méritent.

La pénurie de main-d’œuvre

François Legault a raison de dire qu’il n’y a pas de « solution magique » à la pénurie de main-d’œuvre qui frappe le Québec. Il a raison, aussi, de vouloir proposer une stratégie à plusieurs volets. Or, certaines initiatives ont été mises de l’avant lors du premier mandat, mais le problème reste entier… et aigu. Les nombreux ministères à vocation économique seront de nouveau sollicités, évidemment. Mais on aurait tout avantage à accorder davantage de place à la nouvelle ministre de l’Immigration lors de ces débats fondamentaux pour le marché de l’emploi.

Habitation

Le gouvernement Legault cherchait visiblement à prouver une fois pour toutes qu’il ne prend pas à la légère la crise du logement. Non seulement Andrée Laforest s’était discréditée à ce sujet, mais en créant un ministère dédié spécifiquement à tout ce qui touche à l’habitation, on tente visiblement à Québec de réparer les pots cassés et de pallier le manque de dynamisme dans ce dossier lors du premier mandat. Ne sous-estimons pas la complexité du défi qui attend la nouvelle ministre, France-Élaine Duranceau.

Éducation

François Legault n’a pas menti en affirmant, il y a quatre ans, qu’il ferait de l’éducation une priorité. Sous Jean-François Roberge, le réseau a (enfin) eu droit à davantage de ressources. Y compris pour les enseignants, dont le salaire a été rehaussé de façon conséquente. Mais le ministre avait perdu la confiance du réseau. Manquer d’écoute (quoique ça s’est amélioré avec le temps) et de leadership, ça ne pardonne pas. Bernard Drainville sera-t-il à la hauteur des ambitions nourries par François Legault ? Plusieurs sont sceptiques, mais il serait injuste de ne pas laisser la chance au coureur. On lui rappellera simplement qu’un ministre efficace est préférable à un ministre flamboyant.

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