Vous voulez payer une partie des billets d’avion que votre riche beau-frère s’est procurés grâce aux points de sa carte de crédit Méga Or Platine ?

Évidemment que non.

C’est pourtant ce que les Québécois font collectivement : ils financent tous, peu importe leur niveau de revenu, le coût des cartes de crédit, particulièrement les plus prestigieuses… qui sont réservées aux clients les plus fortunés.

Utiliser une carte de crédit n’est jamais gratuit. Le commerçant doit remettre de 1,5 % à 4 % de la facture en frais à Visa ou à Mastercard, selon les chiffres de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.

La plupart des cartes ont des frais totaux variant entre 1,5 % et 2,5 %. Plus les récompenses aux clients sont importantes (la carte Méga Giga Or Platine), plus les frais sont élevés.

Comme un commerçant ne peut pas facturer ces frais au client (la Loi sur la protection du consommateur (LPC) exige d’afficher le prix réel et empêche la surfacturation de certains clients), ces frais se retrouvent cachés dans le prix. Tous les clients, qu’ils utilisent ou non les cartes de crédit, les financent.

Comment mettre fin à cette situation bizarre et injuste ? Le gouvernement Trudeau doit mettre ses culottes et forcer les sociétés de cartes de crédit à réduire leurs frais.

Ça tombe bien : le débat va avoir lieu au Canada anglais, où les commerçants viennent de gagner, à la suite d’un règlement à l’amiable, le droit de « surfacturer » les clients qui paient avec leur carte de crédit. La situation ne change pas au Québec, où la LPC interdit cette pratique.

Dès cette semaine, l’entreprise de télécoms Telus facturera 1,5 % de plus à ses clients de l’extérieur du Québec qui paient avec leur carte de crédit. Notre petit doigt nous dit qu’elle ne sera pas longtemps seule à procéder ainsi.

Refiler la facture aux consommateurs est un piège qui ne règle pas le cœur du problème : les frais de cartes de crédit exigés aux commerçants – et refilés d’une façon ou d’une autre aux consommateurs – sont trop élevés.

Les libéraux de Justin Trudeau ont promis de s’y attaquer en 2021. Ils réfléchissent toujours.

La solution est pourtant simple : le Canada n’a qu’à copier l’Union européenne. Pendant des années, l’Europe a tenté de diminuer les frais de cartes de crédit. Sans succès. En 2015, l’Europe a donc notamment :

  • imposé un plafond pour les frais « interchange » de cartes de crédit (les frais « interchange » représentent environ 75 % à 85 % des frais totaux des cartes de crédit) ;
  • autorisé les commerçants à refuser certaines cartes de crédit premium (leurs contrats avec Visa et Mastercard ne leur donnaient pas cette option en pratique).

En Europe, les frais « interchange » ne peuvent pas dépasser 0,3 % de la valeur de la transaction. En Australie, le plafond est à 0,5 %. Au Canada, la moyenne de ces frais est de… 1,5 %.

Si Ottawa ramenait les frais « interchange » à 0,3 % comme en Europe, ça diminuerait les frais cachés d’environ 341 $/an par carte de crédit au Canada.

On ne se fait pas d’illusions : certains commerçants garderont pour eux ces économies. Mais c’est mieux que la situation actuelle, où des PME sont étouffées par les frais élevés de cartes de crédit.

Ottawa doit donc réglementer les frais de cartes de crédit pour les diminuer au niveau européen, et permettre aux commerçants de refuser certaines cartes onéreuses.

Le système actuel favorise les institutions financières, qui empochent environ 60 % des frais de cartes de crédit. Visa ou Mastercard touche 20 % des frais, les clients/consommateurs, 20 % sous forme de récompenses.

Avec une réforme comme en Europe, les systèmes de fidélisation des cartes de crédit deviendraient moins généreux. Pas grave. Ils ont trop d’effets pervers.

Des frais de cartes de crédit moins élevés signifient une pression à la baisse sur les prix pour tous les consommateurs. C’est ce qui est de loin le plus important.

Pas le billet d’avion que votre beau-frère veut acheter avec ses points.

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