Comme la politique est désespérante quand la partisanerie éclipse l’intérêt des citoyens.

Les élections sont vieilles d’une semaine que déjà, un parti se livre à du chantage partisan.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) s’oppose à la reconnaissance de Québec solidaire (QS) et du Parti québécois (PQ) comme groupes parlementaires à l’Assemblée nationale. Le statut de groupe parlementaire vient avec davantage de budget (pour engager du personnel politique et des recherchistes pour assister les élus) et de temps de parole en chambre. Sans une telle reconnaissance, QS et le PQ ne pourront jouer efficacement leur rôle d’opposition parlementaire.

Le PLQ lie son appui à la reconnaissance de QS et du PQ à une réforme parlementaire plus large, qui prendrait au minimum plusieurs mois. Traduction : le PLQ veut mettre des bâtons dans les roues des deux autres partis de l’opposition pour profiter d’une plus grande visibilité à l’Assemblée nationale.

Ce petit chantage mesquin est indigne d’une grande formation politique. D’autant que notre système électoral vient de produire ses plus grandes distorsions en 50 ans.

Comme notre mode de scrutin, les règlements de l’Assemblée nationale, conçus à une autre époque, ne sont pas adaptés à notre réalité politique à cinq partis.

Selon le règlement, un parti est reconnu comme groupe parlementaire à l’Assemblée nationale s’il obtient 12 sièges ou 20 % des votes. Parmi les trois partis de l’opposition, seul le PLQ se qualifie d’office comme groupe parlementaire, avec tous les avantages que cela confère. Les députés solidaires et péquistes siégeraient comme indépendants, avec un budget de fonctionnement et un temps de parole réduits.

Heureusement, les partis peuvent s’entendre entre eux pour reconnaître davantage de partis et leur donner des ressources supplémentaires. Mais ça prend l’unanimité des quatre partis représentés à l’Assemblée nationale. La Coalition avenir Québec est d’accord pour reconnaître QS et le PQ. Le PLQ ne l’est pas. Un tel scénario sert l’intérêt partisan des libéraux, mais pas la démocratie.

Au fil des ans, on a fait plusieurs exceptions au règlement pour accorder le statut de groupe parlementaire à l’Action démocratique du Québec en 2008 (7 députés, 16 % des votes), ainsi qu’au PQ (10 députés, 17 % des votes) et à QS (10 députés, 16 % des votes) en 2018.

La CAQ n’accepte pas de reconnaître QS et le PQ seulement par grandeur d’âme. En théorie, un député indépendant peut donner son avis sur chaque motion (on présente plusieurs motions par séance) et siéger à chaque commission parlementaire.

Deux ou trois députés indépendants, ça se gère bien. Mais 14 députés indépendants, ça compliquerait et retarderait le rythme des travaux à l’Assemblée nationale (comme le groupe parlementaire s’engage au nom de tous ses députés, ça facilite les échanges et simplifie les débats de procédure).

Nous croyons fortement qu’il faut réformer notre mode de scrutin. Nous croyons aussi qu’après des années de discussions, il faut (enfin) accoucher d’une réforme parlementaire.

Mais ça ne change rien au fait que les partis doivent s’entendre immédiatement pour faire fonctionner l’Assemblée nationale selon une formule fidèle au verdict des électeurs. Ça implique de reconnaître QS et le PQ comme groupes parlementaires, ou à tout le moins de leur reconnaître un statut particulier qui leur permettra d’effectuer convenablement leur travail parlementaire. Il est primordial de leur accorder un budget de recherche et de fonctionnement davantage représentatif de leur appui populaire.

Selon l’entente entre les partis conclue après les élections de 2018, un parti de 10 députés reconnu comme groupe parlementaire obtient un budget de 1,8 million/an, ce qui lui permet d’engager 25 employés politiques. Sans reconnaissance, il obtient un budget de 270 000 $/an, le salaire de quatre employés.

Le PLQ, qui a récolté moins de votes que QS et le PQ, deviendrait le seul parti de l’opposition avec les ressources d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale ? Ce n’est pas sérieux…

Les négociations entre les deux partis commenceront dans une dizaine de jours, après la formation du prochain Conseil des ministres. Il faut espérer que les libéraux, quatrième parti au pourcentage des votes, reviennent sur terre d’ici là.

Et le Parti conservateur du Québec, qui a obtenu 13 % des votes sans faire élire de député ? Il demande de pouvoir faire des points de presse à l’Assemblée nationale. Il y a une solution toute simple : les faire à la Tribune de la presse, comme beaucoup d’autres organismes qui en font la demande.

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