Montréal est une ville de grands évènements. Le Festival de jazz. Les Francos. Juste pour rire, le plus important festival d’humour au monde. Osheaga. L’Omnium Banque Nationale qui accueille les meilleurs joueurs de tennis au monde.

Mais pas pour le cinéma.

Depuis la belle époque du Festival des films du monde (FFM) de Serge Losique dans les années 1980 et 1990, Montréal ne compte pas de festival de films d’envergure internationale.

Ce n’est pas une critique, c’est un constat.

On ne réécrira pas l’histoire, mais on va la résumer : le FFM s’est fait damer le pion par Toronto dans les années 1990, la gestion du FFM était déficiente, la SODEC et Téléfilm Canada ont retiré leurs billes pour donner sa chance à Spectra en 2005, ce fut un fiasco, le grand cinéphile qu’est Serge Losique a été incapable de passer la main, on a assisté au naufrage au ralenti du FFM, et aucun festival n’a pris la relève.

Après les fiascos FFM et Spectra, la SODEC et Téléfilm Canada ont adopté une nouvelle stratégie : le saupoudrage. Au lieu de donner l’argent du FFM (un million par an) à un seul festival d’envergure, ils l’ont redistribué à tous les autres festivals au Québec.

C’est moins risqué. C’est plus juste pour l’ensemble du Québec.

Mais au lieu d’avoir un grand festival de films, Montréal compte quatre festivals de taille moindre. Ils ont chacun leur spécialité. Mais ils collaborent peu entre eux.

Le Festival du nouveau cinéma (FNC), qui a lieu ces jours-ci, aurait été le meilleur candidat pour succéder au FFM, car c’est le seul festival généraliste. Son potentiel de croissance est toutefois limité, car il a lieu tard dans l’année (et surtout tout de suite après Toronto).

Fantasia est le deuxième festival de films de genre (science-fiction, comédie noire, western, etc.) au monde. Il est très populaire (75 000 entrées), s’adresse à un public plus jeune et a un volet professionnel (rencontres pour des producteurs) très efficace. C’est un beau succès.

Cinemania se spécialise dans le cinéma de la langue française, un beau créneau pour la deuxième ville francophone en importance après Paris.

Les Rendez-vous Québec Cinéma visent à faire découvrir et promouvoir le cinéma québécois, un objectif important. Il est aussi présent dans plusieurs régions.

Grosso modo, nos festivals de films sont financés environ à 30-35 % par des subventions, à 60 % pour les commandites, et le reste par les revenus de billets.

Pourquoi injecte-t-on environ 1,8 million par an de subventions dans nos quatre principaux festivals de films à Montréal ? Pour faire la diffusion et la promotion de notre cinéma. Pour donner à nos films d’auteur une meilleure rampe de lancement, les aider à trouver un public. Certains festivals ont aussi un volet pour l’industrie, pour favoriser les échanges créatifs et commerciaux.

Ce type de subventions coûte cher. Ça revient de 5 $ (Fantasia) à environ 25 $ par billet vendu selon le festival.

Sauf que si vous n’êtes pas américain et que vous voulez avoir une cinématographie nationale, vous devez subventionner votre cinéma de façon importante. La production de films comme la distribution et la promotion. Ce n’est pas un phénomène canadien, tous les pays le font.

Maintenant, on fait quoi avec nos quatre festivals, une formule atypique pour une ville comme Montréal ?

Oubliez l’idée de concurrencer les grands festivals internationaux comme Toronto. On a raté notre coup avec le double fiasco FFM/Spectra dans les années 2000. Ce serait une très mauvaise décision de pomper un million de dollars par an dans une avenue aussi risquée qu’incertaine.

Les forcer à se fusionner ? En pratique, c’est difficilement réalisable, leurs publics étant trop différents.

La SODEC et Téléfilm Canada s’apprêtent à modifier les critères de subventions. On veut ouvrir le financement à des festivals multidisciplinaires. Il y aura donc davantage de concurrence pour les subventions, ce qui est toujours une bonne affaire.

L’industrie du cinéma change rapidement. Les habitudes des cinéphiles sont bouleversées avec les plateformes numériques. Même dans ce contexte, il faut continuer de soutenir nos festivals de films.

Mais pour toucher ce niveau important de subventions, les festivals doivent s’améliorer sur quatre points. Collaborer davantage (ils y gagneraient notamment sur le plan administratif, car ils partagent souvent les mêmes employés à différents moments de l’année). Faire une plus grande place aux séries télé, un créneau en forte expansion (la Berlinale a un imposant volet télé, entre autres). Servir davantage de lieu de rencontres pour développer des liens d’affaires (Fantasia le fait très bien). Et finalement, développer des activités « grand public » pour se rapprocher de plus de cinéphiles.

Le volet grand public est particulièrement important. Depuis deux ans, le FNC présente des projections gratuites en plein air durant le week-end de la fête du Travail. Le mois dernier, 1200 personnes ont vu le film Dune, de Denis Villeneuve, à la belle étoile dans le Quartier des spectacles.

Ce genre d’initiatives grand public aide à justifier le soutien important que reçoivent nos festivals de films.

Festival du nouveau cinéma

5 au 16 octobre 2022

Film d’ouverture : Falcon Lake, de Charlotte Le Bon

Nombre de billets vendus : chiffres non disponibles

Fantasia

14 juillet au 3 août 2022

Film d’ouverture : Polaris, de Kirsten Carthew

Nombre de billets vendus : 75 000 en 2022, 100 000 en 2019

Cinemania

2 au 13 novembre 2022

Film d’ouverture : Chien blanc, d’Anaïs Barbeau-Lavalette

Nombre de billets vendus : 28 000 en 2019

Les Rendez-vous Cinéma Québec

20 au 30 avril 2022

Film d’ouverture : Noémie dit oui, de Geneviève Albert

Nombre de billets vendus : 12 000 (on estime à 55 000 le total d’entrées gratuites et payantes à toutes les activités — pas seulement les films)

Montréal compte aussi d’autres festivals, notamment les Rencontres internationales du documentaire de Montréal, le Festival international du Film Black de Montréal et le Festival international du film pour enfants de Montréal.

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