La démonstration est encore plus frappante qu’en 2018 : François Legault n’a aucunement besoin de Montréal pour gagner ses élections.

Des 90 députés caquistes élus lundi, à peine 2 l’ont été sur l’île. Hors de la grande région de Montréal, c’est l’inversion complète des couleurs. Seulement six circonscriptions ont échappé à la vague bleu pâle.

Le fossé entre la métropole et le reste du Québec semble plus large que jamais.

Mais même si les électeurs de Montréal lui ont tourné le dos, François Legault ne peut pas garder la métropole dans son angle mort au cours des quatre prochaines années.

Si sa promesse d’être le « premier ministre de tous les Québécois » veut dire quelque chose, lui et son gouvernement ont le devoir d’accorder à Montréal l’attention qu’il mérite.

Un signal fort serait de nommer les deux seules élues caquistes montréalaises, Chantal Rouleau et Karine Boivin Roy, au Conseil des ministres. Deux ministres pour une population de deux millions d’habitants, c’est loin d’être trop.

Surtout que les défis qui touchent Montréal sont nombreux.

Le REM de l’Est, retiré des mains de la Caisse de dépôt, doit absolument rester sur les rails. Québec et Montréal ont repris conjointement les rênes du projet et on attend un nouveau tracé d’ici la fin de l’année. L’est de Montréal a trop attendu pour que ce dossier s’embourbe à nouveau.

Les travaux préparatoires concernant le prolongement de la ligne bleue du métro ont quant à eux (enfin !) débuté, mais on aurait tort de se contenter d’accomplir cette promesse qui date de 30 ans. La croissance du métro doit se poursuivre, particulièrement à l’heure de la transition énergétique.

La crise du logement n’est pas un dossier strictement montréalais, mais c’est dans la métropole que les besoins sont les plus importants. Or, la CAQ n’a pas encore pris la mesure de cette question. La construction de logements sociaux et abordables a été insuffisante au cours du dernier mandat. Et loin d’être en mode rattrapage, M. Legault a promis des sommes moindres en campagne électorale. Son nouveau Programme d’habitation abordable Québec désavantage aussi Montréal par rapport à l’ancien. Bref, il y a là une trajectoire à rectifier.

Autre dossier qui risque de retenir l’attention au cours du prochain mandat : la violence armée. Dans la métropole, on voit maintenant des jeunes s’armer… par peur des armes. Un tel cercle vicieux doit être brisé avant qu’il ne s’emballe. Québec a répondu présent en débloquant 250 millions pour soutenir les policiers montréalais, mais il faudra suivre la situation de près et réagir au besoin.

On sait aussi que les villes demandent des sommes colossales pour adapter leurs infrastructures à la nouvelle réalité climatique. Après leur avoir cavalièrement fermé la porte, M. Legault s’est ravisé et l’a entrouverte. Espérons qu’il conservera cette ouverture.

L’immigration, même si on souhaite la régionaliser, demeure aussi un enjeu très montréalais. La campagne électorale a laissé son lot de pots cassés et de gens amers dans son sillage. La CAQ devra à la fois changer son discours et faire des gestes concrets pour la francisation et l’intégration, en écoutant les gens du milieu.

Au lendemain des élections, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a tenu à dire que malgré la faible députation montréalaise, le gouvernement comptait plusieurs « alliés » de la métropole. Elle a notamment nommé les ministres Christian Dubé, Éric Girard et Pierre Fitzgibbon. À cette liste viennent de s’ajouter Christine Fréchette, ancienne PDG de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal élue sur la Rive-Sud, ainsi que Sonia Bélanger, ex-présidente du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, élue dans Prévost (Laurentides).

Mme Plante a aussi rappelé que trois des quatre chefs de l’opposition ont été élus à Montréal (Dominique Anglade, Paul St-Pierre Plamondon et Gabriel Nadeau-Dubois). Et que plusieurs autres maires du Québec ont des demandes semblables aux siennes et sont vus comme des partenaires. Tant mieux. Il n’y aura pas trop de voix à Québec pour défendre les villes.

Les Montréalais ont massivement boudé la CAQ lundi, mais François Legault doit respecter ce choix démocratique. Il ne peut pas bouder Montréal en retour.

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