Juste quand on pensait que Hockey Canada avait atteint le fond du baril, ses dirigeants continuent de nous décevoir.

La présidente par intérim du conseil d’administration de Hockey Canada, Andrea Skinner, a défendu mardi devant les députés fédéraux la façon dont l’organisme a traité les allégations de viol collectif commis par des joueurs d’Équipe Canada Junior 2018 (ECJ 2018). Elle a aussi justifié la décision du C. A. de maintenir en place tous les hauts dirigeants de Hockey Canada, dont le PDG Scott Smith.

Ce qu’elle a dit aux députés fédéraux était surréaliste.

Jugez vous-même :

Hockey Canada « a une excellente réputation » et serait un « bouc émissaire » en matière de culture toxique.

Les médias ont fait de la « désinformation substantielle » et les politiciens des « attaques indûment cyniques » quand ils disent qu’il faut de nouveaux dirigeants à Hockey Canada.

Mme Skinner estime qu’il faut de la « stabilité » chez Hockey Canada. Si le C. A. et le PDG démissionnaient, « est-ce que les lumières resteraient allumées sur les patinoires ? Je ne le sais pas », dit-elle. (On la rassure : oui, les lumières resteraient allumées.)

La meilleure ? Mme Skinner a donné la note de « A » au PDG Scott Smith pour son travail.

Rarement a-t-on vu un organisme aussi déconnecté de la réalité, arrogant, étranger au concept de responsabilité.

Plutôt que d’aller au fond des choses et de chercher à savoir si un acte criminel a été commis, Hockey Canada a fait en 2018 une enquête indépendante semi-bidon (les joueurs n’étaient pas obligés d’y participer).

Quand la présumée victime a poursuivi au civil au printemps 2022, Hockey Canada a réglé pour tout le monde sans poser de questions. Comme s’il espérait balayer ça sous le tapis. L’argent provenait d’un fonds financé par les cotisations d’assurance des joueurs du hockey mineur.

Devant le tollé dans l’opinion publique, Hockey Canada a rouvert son enquête indépendante. La LNH (où évoluent la quasi-totalité des joueurs d’ECJ 2018) enquête aussi.

Aujourd’hui, Hockey Canada prétend vouloir changer la culture toxique au hockey et prendre les agressions sexuelles au sérieux. En gardant en poste les mêmes dirigeants qui ont perpétué une culture d’impunité ?

« Vous êtes dans une bulle, et vous vous convainquez que vous avez bien agi », a dit le député bloquiste Sébastien Lemire à Andrea Skinner. Bien dit.

Hockey Canada a gravement manqué à son devoir. Le PDG Scott Smith et les membres du conseil d’administration ne peuvent pas rester en poste. Encore moins entamer le nécessaire virage que le milieu du hockey doit prendre en matière de culture toxique, d’abus et de maltraitance. C’est une question de crédibilité.

Toute organisation saine d’esprit aurait déjà compris le message. Surtout quand il est relayé par le premier ministre Justin Trudeau et les quatre partis fédéraux (qui ne s’entendent habituellement sur rien…).

Le fédéral ayant coupé les vivres à Hockey Canada (6 % de ses revenus), il ne peut pas faire beaucoup plus.

L’avenir de Hockey Canada est maintenant entre les mains des commanditaires (40 % de ses revenus) et des 13 fédérations provinciales, qui élisent le C. A. et décident des grandes orientations de Hockey Canada.

L’assemblée annuelle de Hockey Canada aura lieu le mois prochain. On y élira les membres du C. A..

Depuis le début de cette histoire, Hockey Québec observait un curieux droit de réserve. Hockey Québec appuie-t-il le PDG Scott Smith ou réclame-t-il son départ ? Veut-il un nouveau C. A. ? On ne le savait pas.

Jusqu’à mardi soir, alors que le conseil d’administration de Hockey Québec a adopté une résolution indiquant ne plus avoir confiance en Hockey Canada « avec la structure en place ». Ce désaveu public était nécessaire. L’organisme québécois, qui critique le plan d’action de Hockey Canada, mettra aussi en fiducie les cotisations de ses joueurs à Hockey Canada (sauf pour le programme d’assurances). Il s’agit d’un bon premier pas dans ce dossier pour Hockey Québec, qui songe à assurer ses joueurs sans passer par Hockey Canada.

La farce a assez duré : Hockey Québec doit demander publiquement et clairement la démission des hauts dirigeants de Hockey Canada, et voter pour de nouveaux administrateurs.

Hockey Québec doit aussi tenter d’aller chercher des appuis ailleurs au pays pour ces deux initiatives.

On ne peut pas cautionner plus longtemps une telle culture d’impunité et une telle absence de responsabilité chez Hockey Canada. Et ça commence par un grand ménage au sommet de l’organigramme.

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