N’en jetez plus, la cour est pleine. Littéralement.

Le centre de tri de Lachine déborde. Tellement que les piles de papier se dressent parfois au-dessus des gicleurs à incendie, que les ballots remplissent la cour et qu’on a craint un moment qu’il faille interrompre la collecte de 60 % des bacs verts de Montréal.

Bref, c’est la crise. Encore.

Il est facile d’en conclure que notre système de recyclage est brisé et qu’on ferait mieux de transformer notre bac vert en boîte à fleurs. Après tout, on a tous vu ces reportages montrant que les contenants qu’on prend la peine de rincer finissent au dépotoir. Ou, pire, font le tour de la planète avant d’être brûlés en Inde.

Cette vision est toutefois trop pessimiste. Parce qu’une bonne partie du problème vient de l’entreprise qui exploitait le centre de tri de Lachine : Ricova. Et que le contenu de nos bacs verts peut très bien être recyclé ici au lieu d’être envoyé ailleurs.

La preuve : la majorité des centres québécois parviennent à signer des ententes à long terme avec des recycleurs locaux. Et s’il reste encore des problèmes dans notre écosystème de recyclage, les gouvernements arrivent — enfin ! – avec des solutions susceptibles de l’améliorer.

La Ville de Montréal a annoncé la semaine dernière qu’elle résiliait son contrat avec Ricova au centre de tri de Lachine. Cette décision est la bonne.

Ricova n’était peut-être pas responsable de tous les problèmes qui ont frappé ces installations pourtant neuves. L’entreprise a toujours prétendu ne pas avoir reçu les budgets suffisants pour y effectuer un travail de qualité. Elle poursuit également en justice l’équipementier Machinex, qui ne lui aurait pas fourni les bons équipements.

Il n’est pas simple de voir clair dans ces chicanes. Mais ce qui est évident, c’est que Ricova ne faisait pas partie de la solution à Lachine.

Au printemps, le Bureau de l’inspecteur général (BIG) a dénoncé les manœuvres « dolosives » de l’entreprise. Selon le rapport, Ricova se vend essentiellement ses matières à elle-même à bas prix afin de diminuer les profits qu’elle partage avec la Ville de Montréal.

De plus, l’entreprise tient à son modèle d’exportation, qui consiste à trier grossièrement les matières reçues et à les exporter plutôt qu’à les écouler sur le marché local. Pourtant, experts et gens de l’industrie sont formels : contrairement à ce qu’elle prétend, Ricova pourrait écouler une bonne partie de ses matières sur le marché québécois ou nord-américain.

« Si c’est bien trié, c’est possible », tranche notamment Marc Olivier, professeur-chercheur au Centre de transfert technologique en écologie industrielle.

L’organisme Via prendra maintenant le relais de Ricova à Lachine. On peut espérer qu’il fera les choses autrement.

Parmi les autres raisons d’espérer, soulignons que l’élargissement de la consigne devrait retirer d’ici un an un grand nombre de contenants de boisson des bacs, qu’ils soient en verre, en plastique ou en métal. Dans Pointe-Saint-Charles, la verrerie Owens-Illinois investit 70 millions pour pouvoir traiter le verre qui lui parviendra ainsi.

À Montréal, dès la semaine prochaine, les sacs de plastique seront interdits dans les commerces et les restaurants. Difficiles à recycler, ils contaminent les autres matières et sont un fléau. L’an prochain, ce sont les plastiques à usage unique qui seront bannis. Le fameux Publisac, qui représente 11 % du volume envoyé aux centres de tri (c’est énorme !), ne sera distribué qu’à ceux qui signalent leur volonté de le recevoir par un autocollant.

De façon plus fondamentale, la responsabilité élargie des producteurs, qui s’appliquera graduellement jusqu’en 2025, fera en sorte que les entreprises seront elles-mêmes responsables de recycler les emballages qu’elles mettent sur le marché.

Ces changements arrivent bien tard, mais ils arrivent. On doit dénoncer les ratés qui frappent la collecte sélective, mais ce n’est pas le moment de tout balancer aux poubelles.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion