Comme c’est embarrassant.

Voici qu’on va bientôt atteindre la mi-temps de la campagne électorale et le premier débat aura lieu au cours des prochaines heures. Or, les chefs ont si peu parlé d’éducation jusqu’ici que des acteurs du milieu se voient forcés de les interpeller publiquement.

Plusieurs porte-parole d’organisations œuvrant dans le domaine de l’éducation ont exprimé à la fois leur impatience et leur inquiétude au cours des derniers jours.

Ils ont raison de s’énerver.

On n’imagine pas les partis politiques être aussi discrets sur d’autres enjeux clés comme l’économie, la santé ou encore l’environnement.

Alors pourquoi ce quasi-silence sur l’éducation ?

Comment se fait-il qu’on n’en parle pas davantage depuis le début de la campagne ?

Est-ce par manque d’intérêt pour la chose ? Parce qu’on estime que ce n’est pas un sujet assez mobilisateur, trop peu clivant ? Ou par manque d’imagination, parce qu’on peine à trouver des solutions aux problèmes du réseau ? Ou encore parce que les jeunes votent très peu, alors ça fait des promesses moins payantes ?

Probablement un malheureux mélange de tout ça.

C’est d’autant plus dommage qu’en 2018, les partis avaient fait leurs devoirs, conscients du rôle crucial que joue l’éducation dans l’avenir de la société québécoise et préoccupés par les nombreux problèmes du réseau.

« Les promesses pleuvent » en éducation, avait écrit notre journaliste Suzanne Colpron il y a quatre ans.

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Même qu’une fois élu, François Legault avait promis que l’éducation serait « la première priorité » de son gouvernement.

Il a rehaussé le budget qu’on y consacre, fait grimper le salaire des enseignants, multiplié les classes de maternelle 4 ans (une riche idée, mais pas parfaitement opérationnalisée), accéléré la construction et la rénovation d’écoles, etc. Sans compter que les écoles sont restées ouvertes pendant une grande partie de la crise sanitaire, bravo !

Son ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, lui-même enseignant, est passé à l’offensive dès sa nomination… mais la pandémie lui a scié les jambes. Il a passé le restant de son mandat sur la défensive.

Son leadership n’a pas survécu à la crise sanitaire. Ces derniers temps, on ne l’entend presque plus et on voit mal comment il pourrait demeurer à la tête de son ministère si la CAQ reste au pouvoir.

Les problèmes ne sont pourtant pas réglés. Même que la pandémie en a envenimé certains.

Oh, il y a bien eu quelques promesses depuis le début de la campagne ! La CAQ et le PQ ont tous les deux fait savoir qu’ils allaient injecter des sommes plus substantielles destinées à la rénovation et la construction d’écoles. Tant mieux, ce sera nécessaire.

Mais globalement, il y a eu « très peu d’engagements sérieux en éducation », comme l’a fait remarquer la présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire, Kathleen Legault, lors d’une sortie publique.

Elle a aussi affirmé que les débats des chefs sont une bonne occasion pour les chefs d’aborder le sujet de front. C’est vrai !

Les chefs auraient-ils besoin de suggestions ? En voici quelques-unes qui pourraient les inspirer.

Comment mieux contrer le taux de décrochage chez les jeunes du secondaire ? Et en particulier chez les garçons, qui sont encore et encore beaucoup trop nombreux à abandonner l’école.

Comment convaincre davantage de jeunes de persévérer et de décrocher un diplôme d’études postsecondaires ?

Quelles sont les meilleures solutions pour analyser les problèmes en matière de réussite scolaire attribuables à la pandémie et ensuite y remédier ?

Devrait-on rendre l’école obligatoire jusqu’à 18 ans ?

Comment va-t-on en finir une fois pour toutes avec la pénurie d’enseignants ? Quelles sont les solutions pour améliorer leur attraction et leur rétention ? Et la pénurie dans les services de garde, qui s’en soucie ?

Quand offrira-t-on enfin des services professionnels (orthopédagogues, orthophonistes, etc.) dignes de ce nom à tous les élèves du primaire en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage ?

Plus largement, comment réduire les inégalités résultant du système à trois vitesses qui a été créé au Québec ?

Beaucoup de questions. Trop peu de réponses de la part des chefs.

Dans les circonstances, cette absence de débats sérieux sur l’éducation relève d’une déplaisante insouciance.

Les problèmes ne se régleront pas si nos élus n’en font pas une priorité.

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