À une semaine du retour en classe, il manque toujours 700 profs au Québec.

Pour expliquer qu’il faille recruter des profs (souvent sans expérience ni formation en éducation) à la dernière minute encore cette année, le gouvernement Legault blâme la pénurie de main-d’œuvre.

L’excuse est trop facile.

Sa pénurie de main-d’œuvre, le réseau de l’éducation la crée lui-même : on estime qu’entre 20 % et 40 % des nouveaux enseignants au Québec quittent la profession dans les cinq premières années, selon Geneviève Sirois, professeure en administration scolaire à l’Université TÉLUQ. (Québec n’a pas de données officielles à ce sujet. C’est problématique. Même le Burkina Faso a cette information…)

Les jeunes profs partent principalement parce que les conditions de travail sont très difficiles en début de carrière dans le réseau public. Ils héritent la plupart du temps des classes les plus difficiles. Ils ont souvent des tâches morcelées (ex. : enseigner plusieurs matières dans plusieurs niveaux). Ça multiplie le temps de préparation, la lourdeur du travail. Résultat : ils sont nombreux à quitter l’enseignement.

Pour combler leurs départs, on doit engager de plus en plus de gens… qui n’ont jamais été profs ni étudié en enseignement. En quatre ans, le nombre d’enseignants sans formation en éducation a été multiplié par quatre, passant de 830 à 3436 enseignants en 2020-2021.

En fait, ce n’est pas compliqué : actuellement, si vous avez un bac et que vous passez une entrevue, le centre de services scolaire vous embauche.

Cet été, Québec a recruté 6000 enseignants parmi des profs à la retraite et ces néophytes en éducation.

En théorie, c’est une excellente idée de recruter des bacheliers qui veulent se réorienter et devenir enseignants. Ces recrues sont les bienvenues en éducation, et il est normal qu’on ne les force pas à retourner quatre ans à temps plein sur les bancs d’université pour obtenir leur bac en enseignement.

Le problème, c’est qu’ils commencent à enseigner, souvent dans les classes les plus difficiles, sans aucune formation en pédagogie. (Ils peuvent s’inscrire à une maîtrise en éducation, mais les places sont contingentées. Mémo aux universités : acceptez davantage d’étudiants, ça presse !)

Or, être prof, c’est un métier qui s’apprend.

On comprend que Québec ne peut pas se priver de candidats intéressants. Sauf qu’il doit les encadrer convenablement. Il est inconcevable que personne au ministère de l’Éducation n’ait pensé à développer, en collaboration avec une université, un programme virtuel accéléré de formation en pédagogie pour ces nouvelles recrues.

À très court terme, Québec trouvera les 700 profs manquants et on réglera cette crise de la rentrée.

Le problème restera toutefois entier : tant que les conditions de travail des jeunes profs seront aussi difficiles, leur taux de rétention restera trop bas, et on continuera de devoir recruter dans l’urgence.

Durant son dernier mandat, le gouvernement Legault a haussé les salaires des profs (+ 18 % à l’entrée), débloqué des budgets pour des classes spécialisées, du tutorat auprès des élèves et — une nouveauté – du mentorat auprès des profs.

C’est bien, mais c’est loin d’être suffisant. En pratique, les cas difficiles sont de plus en plus difficiles, l’aide promise n’est pas toujours au rendez-vous, et on laisse souvent les jeunes enseignants à eux-mêmes.

Pour alléger leur tâche, il faut mieux épauler nos jeunes enseignants. Leur attribuer davantage de ressources comme des techniciens en éducation spécialisée et des orthopédagogues (cette solution vaut pour tous les enseignants). Repenser à ce système qui attribue systématiquement les tâches les plus lourdes aux recrues les plus frêles.

En créant les conditions pour garder ses jeunes enseignants, Québec réglerait lui-même sa pénurie de main-d’œuvre.

Mais surtout, il se doterait à long terme de meilleurs profs. Parce qu’on donnerait enfin aux jeunes enseignants les moyens de maximiser leur potentiel.

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