Qu’ont en commun les personnes suivantes :

  • L’artiste pop africaine Yemi Alade, contrainte d’annuler son spectacle de clôture au festival Nuits d’Afrique à Montréal. 
  • La joueuse de tennis Victoria Azarenka, 20e raquette mondiale, qui n’a pas pu participer à l’Omnium Banque Nationale cette semaine à Toronto.
  • Au moins une centaine (sinon plus) de participants à la conférence internationale sur le sida à Montréal.

Elles ont toutes été incapables d’obtenir un visa de séjour ou de travail au Canada au cours des dernières semaines.

La lourdeur bureaucratique d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada est légendaire. Comme si ce ministère fédéral avait adopté la philosophie de la « maison des fous » des 12 travaux d’Astérix.

« À l’international, le Canada est reconnu pour être particulièrement difficile pour l’octroi de visas », dit MStéphanie Valois, présidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration.

C’est une chose de le savoir en théorie.

C’en est une autre d’avoir des exemples concrets montrant à quel point la situation est gênante.

Yemi Alade est une vedette de la pop africaine. Elle donne des concerts partout à travers le monde et a obtenu récemment un visa pour se produire aux États-Unis. Au Canada, on lui a refusé son visa sous prétexte qu’elle n’aurait pas prouvé son intention de retourner dans son pays d’origine.

Victoria Azarenka est l’une des meilleures joueuses de tennis au monde. Le Canada n’a pas pu lui délivrer son visa à temps en raison d’une formalité liée au paiement de ses tests biométriques (les empreintes digitales), semble-t-il. Dans toute l’histoire du tennis professionnel mondial, on n’avait pas souvenir d’une athlète qui a raté un tournoi parce qu’elle n’a pas pu obtenir son visa à temps (alors qu’elle y avait droit, comme Mme Azarenka).

Les organisateurs d’évènements internationaux le disent ouvertement : depuis quelques années, il est de plus en plus compliqué d’obtenir des visas de travail. Le mois dernier, la directrice de Nuits d’Afrique confiait que le fédéral aimerait avoir les demandes de visas six mois à l’avance. Même si la programmation du festival n’est pas encore décidée à ce stade…

Yemi Alade et Victoria Azarenka n’ont pas l’air d’être des exceptions à la règle. Au contraire : elles semblent traitées de la même façon que tout le monde.

En pleine pénurie de main-d’œuvre, des employeurs voient des travailleurs étrangers qu’ils ont recrutés attendre pendant des mois (voire plus d’un an) leur visa de travail, selon une enquête récente du Devoir1.

Une très grande proportion d’étudiants étrangers recrutés par des universités québécoises – particulièrement des francophones en provenance de l’Afrique – se voient refuser un visa d’études, selon une enquête de Radio-Canada en 20212.

La lourdeur de la bureaucratie fédérale n’est pas seulement pour les visas. Les délais pour les demandes d’immigration sont aussi très longs. Ils augmentent aussi à l’assurance-emploi. Il y a la crise des passeports. La gestion chaotique des aéroports. Sans oublier la catastrophe du système de paie Phénix.

Honnêtement, on est rendu à se demander si le gouvernement fédéral est capable de livrer de façon efficace des services directs à la population dans un délai acceptable.

Même si ce n’est pas sexy comme sujet, le gouvernement Trudeau devrait en faire une priorité.

En matière de services aux citoyens, quand on demande des comptes à Ottawa, le même scénario se répète souvent : un ministre commence par donner des explications (traduction : des excuses) puis règle la crise à court terme si la pression publique monte suffisamment.

Après sept ans au pouvoir, le gouvernement Trudeau ne peut plus se défiler en matière de bureaucratie. Le constat est clair : quand il s’agit de livrer des services directs aux citoyens, Ottawa a un piètre bilan.

Quand on est incapable d’accorder, dans le même mois, un visa à une artiste internationale et à une double championne d’un tournoi du Grand Chelem, c’est la preuve qu’il est temps de redresser la barre.

1. Lisez « L’attente pour un permis de travail au Canada bat des records » sur le site du Devoir 2. Lisez « Comment des étudiants étrangers francophones sont refusés par Ottawa » sur le site de Radio-Canada Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion