Cet été, l’équipe éditoriale de La Presse vous propose une série de textes sur la densification urbaine comme clé pour venir à bout de la crise du logement, un enjeu répandu dans l’ensemble du Québec qui sera certainement au cœur de la prochaine campagne électorale.

Il n’y a pas beaucoup de métropoles dans le monde où on trouve encore un immense territoire vierge à développer. À Montréal, si. Un grand terrain de 46 hectares au cœur de la ville, à proximité d’une station de métro. Ce site, c’est le terrain de l’ancien hippodrome Blue Bonnets.

À la Ville de Montréal, on parle du potentiel de ce secteur depuis… 30 ans.

Les derniers chevaux y ont couru en 2009. Les bâtiments de l’hippodrome ont été démolis en 2018. Au fil du temps, trois administrations municipales se sont succédé. Mais de Gérald Tremblay à Valérie Plante en passant par Denis Coderre, aucun maire (ni mairesse) n’a assisté à la première pelletée de terre.

La Ville de Montréal, à qui Québec a finalement cédé les terrains de l’ancien hippodrome en 2017, a dévoilé sa vision du grand secteur Namur-Hippodrome (95 hectares au total) en 2019. Valérie Plante et son équipe rêvent d’en faire un quartier carboneutre qui accueillerait plus de 12 000 unités d’habitation, dont 6000 seulement sur l’ancien site de Blue Bonnets. Les abords des stations de métro Namur et de la Savane représentent aussi de beaux potentiels de densification urbaine. On prévoit faire une belle place aux logements sociaux et abordables ainsi qu’aux espaces verts.

Trois autres années ont passé depuis que Montréal a présenté les contours de ce futur quartier. Or si vous vous promenez sur le terrain de l’ancien hippodrome, vous n’apercevrez pas l’ombre du début d’une tour de condos. Par contre, vous y trouverez des… melons. Ils sont cultivés par un organisme de Côte-des-Neiges, en attendant.

Vrai, la liste des défis à relever pour développer ce secteur intelligemment est longue : enclavé entre Mont-Royal et les voies ferrées du CN, traversé par l’autoroute Décarie, il est bétonné, pollué et assez dégarni de verdure. C’est un beau casse-tête urbain ! Avant d’y accueillir les premiers locataires, il faudra raccorder les deux segments de Cavendish à l’ouest (la Ville rêve d’en faire un boulevard urbain) et régler le problème numéro un du secteur, celui de la mobilité.

En effet, dans son rapport de consultation publique sur le quartier Namur-Hippodrome, déposé en 2020, l’OCPM évalue à 200 000 (!) le nombre de déplacements quotidiens supplémentaires une fois ce secteur habité. Et c’est sans compter l’arrivée de Royalmount, à quelques mètres, qu’on ne peut ignorer quand on planifie le développement de ce secteur.

Bref, ce futur quartier pourrait vite devenir un enfer de circulation automobile si on ne planifie pas les transports collectifs et la mobilité.

C’est une des 41 recommandations de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) qui suggère aussi de déterminer à l’avance les espaces prévus aux activités commerciales et communautaires. On veut éviter un autre Griffintown, qui est devenu l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire lorsqu’on développe un nouveau quartier.

La planification est importante, soit. Mais on a traîné les pieds dans ce dossier. La planification et l’efficience ne sont pas incompatibles.

Il faudrait passer du pas au trot, pour ne pas dire au galop si on veut commencer à construire un jour !

La pression sur le logement est intenable dans les quartiers avoisinants. Dans Côte-des-Neiges, les organismes communautaires évaluent à 2490 le nombre de ménages qui attendent l’accès à un loyer modique. Pour sa part, l’Office municipal d’habitation de Montréal estime à 3645 le nombre de demandes pour un HLM dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce. Le temps d’attente serait d’environ six ans…

Il est temps que les choses bougent.

Selon l’acte de cession avec le gouvernement provincial, la Ville a jusqu’au mois d’octobre pour présenter un échéancier, et jusqu’en 2023 pour vendre une première parcelle de terrain, sans quoi il redeviendra propriété de Québec.

Soyons réalistes, le gouvernement Legault n’aura pas le choix, il devra bonifier sa participation financière pour accompagner Montréal dans le développement de ce futur quartier. La Ville ne pourra pas assumer la facture seule.

Mais pour cela, il faut agir.

Les ménages montréalais n’ont plus le luxe d’attendre encore 30 ans.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion