Vous payez cher pour votre forfait de téléphonie sans fil.

Sauf que le Canada est un grand pays et nous avons des réseaux sécuritaires et fiables, rétorque habituellement le « Big 3 » des télécoms (Rogers, Bell et Telus), qui détient 89 % du marché des forfaits sans fil.

L’argument de la fiabilité des réseaux ne tient plus depuis la panne d’une journée du réseau sans fil de Rogers le 8 juillet dernier.

À cause d’une erreur dans le codage de la mise à jour des réseaux, les 10 millions de clients sans fil de Rogers ne pouvaient plus appeler ou texter frénétiquement.

Mais il y a (encore) plus problématique.

Ils ne pouvaient plus rejoindre le service d’urgence 911 avec leur téléphone sans fil. Le réseau bancaire Interac ne fonctionnait plus chez plusieurs institutions financières. L’application ArriveCAN était bloquée. Des hôpitaux à Toronto n’étaient plus capables de rejoindre leurs médecins.

On a réalisé deux choses ce jour-là.

Premièrement : les réseaux de télécoms occupent une place énorme dans nos vies.

Deuxièmement : on a trop longtemps fait confiance aux géants des télécoms en matière de fiabilité de leurs réseaux, sans trop les surveiller.

C’est illusoire de penser qu’il n’y aura plus jamais de pannes sur un réseau sans fil. Mais on peut réduire les risques d’une panne au maximum et les dommages potentiels au minimum.

Comment faire ? Si seulement il y avait une solution facile. Ce n’est pas le cas.

Le gouvernement Trudeau a donné deux mois au « Big 3 » pour trouver un accord officiel de coopération. En cas de panne, les concurrents « seraient obligés de rendre leurs réseaux accessibles en itinérance ». C’est une bonne idée qui doit être implantée. Mais en pratique, ça n’aurait pas réglé le problème parce que Bell et Telus n’auraient pas eu la capacité d’accueillir 10 millions de clients d’un seul coup, précise Rogers.

N’empêche, il est incroyable qu’un tel accord ne soit pas déjà en place. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) devra se mêler de tout ça (il a déjà commencé son enquête).

Ce n’est pas tout.

Si les appels au 911 ne fonctionnaient plus avec Rogers le 8 juillet dernier, ce n’est pas seulement à cause de Rogers. C’est aussi la faute à… Stephen Harper et Justin Trudeau.

Depuis 2011, les chefs de police suggèrent au fédéral de mettre sur pied un nouveau réseau uniquement pour la sécurité publique. Les services de police, les services de sécurité civile et le 911 passeraient par ce réseau au lieu du « Big 3 ».

Les États-Unis ont un tel réseau parallèle depuis 2012. S’il y a une panne chez Verizon ou AT&T, le 911 et les réseaux des services de police continuent de fonctionner.

Assez attendu ! Ottawa doit maintenant créer son propre Réseau à large bande de sécurité publique, comme on le lui demande depuis une décennie.

Cette panne de Rogers doit aussi servir d’avertissement en matière de concurrence.

Parmi huit pays comparables (le G7 et l’Australie), le Canada est le deuxième ou le troisième où on paie le plus cher, selon le type de forfait. Il n’y a pas assez de concurrence, ce qui garde les prix plus élevés.

Il faut trouver des moyens d’augmenter la concurrence, de façon (encore plus) urgente au Canada anglais, mais aussi au Québec, où Cogeco ne demande qu’à devenir le cinquième acteur.

La vie fait parfois drôlement les choses. En même temps qu’elle fait face aux conséquences de sa panne, Rogers tente de convaincre le Bureau de la concurrence et le gouvernement Trudeau qu’on devrait lui laisser acheter Shaw, un acteur régional important dans l’Ouest canadien.

Autoriser cette transaction est un pensez-y-bien. Si Ottawa donne son aval à cette transaction, il doit mettre en place les conditions pour que Québecor – qui a une entente pour acheter une partie de services sans fil de Shaw – puisse véritablement s’établir comme le quatrième acteur national tant attendu.

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  • 89 %
    Part de marché du « Big 3 » dans les forfaits de téléphonie mobile au Canada (en pourcentage des revenus), au 31 décembre 2020. Rogers détient 32 % des parts de marché, Bell, 29 %, Telus, 28 %.
    Source : CRTC
  • 5 %
    Part de marché de Québecor dans les forfaits en téléphonie mobile au Canada (en nombre d’abonnés), au 31 décembre 2020. Québecor a des abonnés sans fil au Québec et dans la région d’Ottawa.
    Sources : rapport annuel de Québecor et CRTC