Quels sont les sujets chauds en santé publique ?

On peut nommer sans se tromper la COVID-19 et la variole simienne. Les mystérieuses hépatites qui touchent les enfants ont fait couler de l’encre. Le cancer et les maladies cardiovasculaires se taillent toujours une place dans nos discours publics.

Mais il y a une maladie dont on ne parle presque plus. Une maladie pourtant incurable, contre laquelle il n’existe toujours pas de vaccin : le sida.

C’est dans ce troublant silence que se déroule ces jours-ci à Montréal la 24Conférence internationale sur le sida. Elle réunit, tant en présentiel qu’en virtuel, pas moins de 12 000 chercheurs, patients, journalistes et membres des communautés touchées.

Le thème de l’évènement : le réengagement. Parce que la lutte contre le sida est victime d’un inquiétant désengagement.

Un désengagement qui touche autant les efforts de recherche que ceux de prévention et de santé publique. Et qui doit être renversé.

D’abord parce que malgré ce qu’on peut croire, le sida reste une maladie grave avec laquelle vivent plus de 38 millions de personnes sur la planète, dont 63 000 Canadiens. Une maladie qui a tué 650 000 personnes l’an dernier.

Ensuite parce que le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est en quelque sorte l’ennemi parfait du virologue. Depuis 40 ans, cet as de l’esquive déjoue les meilleurs scientifiques de la planète. Il sabote les lignes de défense de notre système immunitaire. Mute pour déjouer nos attaques. Reste tapi dans des cachettes où on ne parvient pas à l’éliminer.

Vaincre pour de bon un ennemi aussi coriace représenterait l’un des plus grands exploits scientifiques de notre époque. Les connaissances générées seraient inestimables. Elles auraient des retombées dans plusieurs sphères de la médecine.

Bref, on peut penser que si on réussit à battre le VIH, on aura développé des trucs pour battre bien d’autres virus.

Et s’il y a une chose qu’on a apprise depuis deux ans, c’est bien à quel point il est important de disposer d’outils de pointe contre les virus.

Si on parle trop peu de la lutte contre VIH, c’est beaucoup, paradoxalement, en raison de ses succès.

Aujourd’hui, la trithérapie permet aux séropositifs d’avoir une espérance de vie comparable à celle des séronégatifs. Leur charge virale est si basse qu’ils ne transmettent plus le virus. Le hic : plus d’un tiers des gens atteints n’y ont pas accès sur la planète.

De leur côté, les séronégatifs qui craignent d’attraper le VIH bénéficient de médicaments préventifs réduisant leur risque d’infection de 95 % (la fameuse PreP, ou prophylaxie préexposition).

Ces avancées sont évidemment formidables. Mais elles ont un contrecoup : la peur du sida, omniprésente dans les années 1980 et 1990, est tombée. Et cela mine grandement les efforts de prévention.

Réjean Thomas, président fondateur de la clinique l’Actuel et figure incontournable de la lutte contre le sida au Québec, raconte qu’il a récemment annoncé à l’un de ses patients de 18 ans qu’il était séropositif.

« Il ne savait même pas de quoi je parlais », dit-il.

Le DThomas rappelle que le sida est une maladie grave et impossible à guérir, qui nécessite la prise de médicaments pendant toute la vie. On aurait intérêt à le dire et le redire à la population, notamment aux jeunes.

En plus de miner les messages de santé publique, la banalisation du sida affecte les efforts de recherche. Jean-Pierre Routy, professeur à l’Université McGill et coprésident de la conférence qui se déroule à Montréal, affirme que les fonds de recherche dédiés à la maladie ont fondu du quart au Canada depuis cinq ans.

À cela, il faut évidemment ajouter les effets de la pandémie de COVID-19. Cette urgence planétaire a mobilisé les scientifiques, détourné les dollars et monopolisé les discours de santé publique. C’était parfaitement légitime. Mais il faut en reconnaître les dommages collatéraux.

Au début de la pandémie, le dépistage et l’accès aux médicaments contre le VIH ont été rendus très difficiles. C’est particulièrement vrai en Afrique, mais ici aussi, où la plupart des centres de dépistage ont été fermés.

Résultat : l’an dernier, le nombre de nouvelles infections a augmenté sur le globe, une première depuis 1997. C’est à la fois triste et inquiétant.

Malgré ce recul, des raisons d’espérer existent. La technologie des vaccins à ARN messager, propulsée par la lutte contre la COVID-19, est aujourd’hui testée contre le VIH. Même chose pour les anticorps monoclonaux.

À Montréal, vendredi, on a décrit le cas d’un patient qui semble avoir vaincu le VIH après avoir reçu une greffe de cellules souches. Une poignée de cas similaires ont été documentés. Trois patients semblent par ailleurs avoir guéri spontanément du VIH. Comptez sur les scientifiques pour essayer de comprendre leur secret.

Le combat contre le VIH se poursuit. Donnons-nous tous les moyens de le gagner.

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