Quand une équipe de hockey de la Ligue nationale croupit longtemps dans les bas-fonds du classement, il n’y a pas 56 000 solutions : on doit reconstruire. On congédie le directeur général, on met l’entraîneur à la porte, on échange les vedettes surévaluées ou on rachète leurs contrats, et surtout, on installe une nouvelle culture dans l’équipe.

Avec sa gestion des allégations de viol collectif à l’été 2018 par des joueurs de l’équipe nationale junior, Hockey Canada peut difficilement descendre plus bas : il a fallu une crise nationale, la suspension des fonds fédéraux et le retrait de commanditaires pour que Hockey Canada prenne (enfin !) acte du sérieux de la situation.

Bizarrement, les dirigeants de Hockey Canada demandent maintenant aux Canadiens de leur faire confiance. Ceux qui ont agi de façon pitoyable et honteuse dans ce dossier depuis quelques mois pensent maintenant qu’ils sont capables d’opérer le changement de culture titanesque nécessaire dans le milieu du hockey.

Il y a des limites à la naïveté et à l’aveuglement volontaire.

Actuellement, personne n’a confiance en Hockey Canada. En tout cas, pas tant que les dirigeants actuels resteront en poste.

Les dirigeants de Hockey Canada sont restés silencieux sur ces allégations de viol collectif jusqu’à ce que l’excellent journaliste de TSN Rick Westhead déterre l’affaire à la fin du mois de mai 2022. (Hockey Canada aurait communiqué les allégations de façon « minimale » en 2018 à Sport Canada, qui a gardé l’information à l’interne. Sport Canada doit aussi réfléchir sur sa conduite dans ce dossier…)

Quand la présumée victime a poursuivi Hockey Canada pour 3,5 millions en avril dernier, les deux parties ont réglé l’affaire à l’amiable en l’espace d’un mois sans ensuite chercher à aller au fond des choses.

Les dirigeants de Hockey Canada n’ont jamais dévoilé les conclusions de leur enquête indépendante.

Au départ, ils ont fait croire que cette enquête indépendante avait été complète et rigoureuse. Ils ont soigneusement omis de préciser que seulement 10 des 19 joueurs de l’équipe nationale junior 2018 y avaient participé, et qu’il n’y avait aucune sanction si un joueur n’y participait pas. Oups…

Ils ont été pitoyables lors de leur première comparution devant les députés fédéraux en juin. Ils ne s’entendaient même pas sur le nombre de joueurs ayant participé à l’enquête indépendante !

Et on ferait confiance à de tels dirigeants pour instaurer une culture de tolérance zéro face aux violences sexuelles, au harcèlement et aux mauvais traitements ?

La tâche qui attend Hockey Canada — et tout le milieu du hockey et du sport, en fait – est énorme.

Pour Hockey Canada, la première étape de la solution est évidente : faire un ménage complet dans sa haute direction. Le PDG Scott Smith, employé de Hockey Canada depuis 25 ans, est la dernière personne pouvant mener cette « reconstruction ». Ses principaux lieutenants doivent aussi quitter leur poste. Il en va de la crédibilité de l’organisme.

On doit amener de nouveaux dirigeants de l’extérieur. Qui ont des valeurs et une éthique fortes. Qui croient à la transparence et à la tolérance zéro en matière d’allégations d’agressions sexuelles et de maltraitance. Qui auront les coudées franches. Qui ne traîneront pas le poids des erreurs passées quand ils devront implanter des réformes.

On dit « hauts dirigeants » et « ils », mais Hockey Canada devrait recruter plusieurs femmes dans sa prochaine équipe de haute direction. Il ne manque certainement pas de candidates de qualité pour qu’une nouvelle équipe de direction soit en zone paritaire (entre 40 % et 60 % de femmes).

Devant la gravité de la situation, le conseil d’administration de Hockey Canada doit aussi démissionner en bloc.

Le C.A. n’a pas joué son rôle de surveillance depuis avril. Hockey Canada lancerait un message fort en se dotant d’un nouveau conseil plus sérieux et désormais paritaire (il est actuellement composé de sept hommes et deux femmes).

Cette semaine, la ministre fédérale du Sport, Pascale St-Onge, a suggéré aux dirigeants de Hockey Canada de réfléchir à leur avenir. L’ex-joueur Sheldon Kennedy, victime d’agression sexuelle par son entraîneur junior, a demandé leur démission.

Hockey Canada a tenté de mettre le couvercle sur la marmite en présentant lundi un nouveau plan d’action pour lutter contre les violences sexuelles, la maltraitance et le harcèlement.

Sans un ménage complet à la tête de l’organisme, ce plan ne vaut même pas le papier sur lequel il est imprimé.

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