Le gouvernement Trudeau a une grosse, grosse décision à prendre en matière de lutte contre les changements climatiques : va-t-il imposer une véritable taxe sur le carbone à l’industrie pétrolière et gazière canadienne ?

C’est facile à promettre en campagne électorale, comme les libéraux l’ont fait en 2021.

C’est plus compliqué à faire en pratique. Surtout quand vous êtes le quatrième pays producteur de pétrole, avec 6 % de la production mondiale. Et qu’aucun des pays du top 10 n’impose un véritable prix sur les émissions de CO2 à ses producteurs de pétrole.

Mais s’il veut apporter sa contribution pour lutter contre les changements climatiques, le Canada n’a plus le choix : il doit réellement mettre à contribution son industrie la plus polluante, responsable de 26 % des émissions de CO2 au pays en 2019. La production de pétrole et de gaz est une activité très rentable pour l’économie canadienne. C’est aussi la source numéro un d’émissions de CO2 au pays, devant le secteur des transports (25 %).

À moins de vivre au pays des licornes, Ottawa doit sonner la fin de la récréation pour les producteurs de pétrole et de gaz de l’Ouest canadien, qui n’ont pas eu à payer la taxe sur le carbone depuis 2019 (ils ont eu droit à un système parallèle peu exigeant).

Avertissement : une véritable tarification du carbone va faire mal à l’industrie pétrolière et gazière. C’est pourquoi Ottawa doit aider l’Ouest canadien en soutenant les travailleurs touchés et en aidant à transformer son économie.

Mais on ne s’en sort pas : si on veut sauver la planète, il faut respecter nos objectifs de réduction de CO2. Et si on veut respecter ces objectifs, il faut diminuer notre niveau de production de pétrole et de gaz.

L’industrie pétrolière rétorque que de nouvelles technologies comme la captation de CO2 pourraient permettre de réduire les émissions. C’est loin d’être sûr que ça fera une différence significative. De toute façon, le pétrole pollue aussi énormément quand on le consomme. On n’a donc pas le choix d’en consommer beaucoup moins : environ 75 % de moins d’ici 2050, selon l’Agence internationale de l’énergie.

Chers amis de l’Ouest canadien, il faudra vous résoudre à payer le coût réel de l’extraction du pétrole et du gaz, ce qui inclut les émissions de CO2.

Dans ses consultations lancées lundi, Ottawa dévoile deux options : une taxe fédérale ou un marché du carbone (comme au Québec). On a une légère préférence pour un marché du carbone. Dans un tel marché, on établit des cibles de réduction des émissions de CO2, dont le prix s’ajuste de lui-même en fonction des cibles. Résultat : plus on doit réduire les émissions, plus le prix du CO2 monte. Si bien que les projets polluants ne sont plus rentables. Ottawa ne réduit pas lui-même la production, le marché du carbone le fait pour lui.

Ottawa doit annoncer sa décision au début de 2023.

Peu importe l’option choisie, le plus important, c’est que le système soit étanche et qu’on ne donne pas d’exemptions aux entreprises pétrolières et gazières.

Au Québec comme au Canada, les grandes industries comme les alumineries, les usines de pâtes et papiers et les cimenteries sont en théorie assujetties à la taxe sur le carbone ou au marché du carbone. Mais en pratique, elles reçoivent une foule d’allocations gratuites faisant en sorte qu’elles ne paient qu’environ 15 % du prix normal du CO2.

Pourquoi les laisse-t-on aller ainsi ? Parce que les États-Unis, l’Europe et la Chine exemptent aussi ces industries polluantes. Il faut enlever ces exemptions. La solution : imposer un coût carbone aux importations à la frontière, comme l’Union européenne songe à le faire.

La pression sera forte pour que le gouvernement Trudeau fasse la même chose pour les pétrolières et qu’il distribue allègrement des allocations gratuites de CO2 en attendant que les autres pays imposent une taxe sur le carbone à leurs pétrolières.

Procéder ainsi serait une grave erreur. Comme le pétrole canadien est déjà l’un des plus polluants au monde, il vaudrait mieux partir en début de peloton que d’attendre que tout le monde emboîte le pas.

La planète brûle, et Ottawa doit imposer un véritable marché du carbone à son plus important pollueur.

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    Objectif du gouvernement fédéral en matière de réduction des émissions de CO2 pour le secteur pétrolier et gazier d’ici 2030 (par rapport à 2005). Pour l’ensemble des émissions du Canada, Ottawa a comme objectif de réduire ses émissions de 40 % à 45 %.