Dans le dossier des transferts fédéraux en santé, l’heure est venue pour nos politiciens de cesser de se chamailler comme des enfants.

« Ce que les Canadiens veulent qu’on fasse, c’est s’asseoir comme des adultes et trouver un moyen de ressusciter notre système de santé public », a lancé lundi le premier ministre de la Colombie-Britannique, John Horgan, dans le cadre d’une rencontre du Conseil de la fédération, qu’il préside.

Des paroles pleines de bon sens.

La Terre appelle Ottawa : des négociations doivent être menées au plus vite au sujet du financement des soins de santé. Il y va de leur accès et de leur qualité, d’un bout à l’autre du pays.

Au cours des deux dernières années, la pandémie a servi de prétexte au gouvernement fédéral pour repousser la discussion sur la hausse des transferts aux provinces.

C’était un bon alibi… mais ça ne l’est plus.

Ottawa a donné un sérieux coup de pouce aux provinces en injectant des sommes colossales pour leur permettre de garder le cap dans la tempête. On ne va pas le nier. Mais ce sont des investissements ponctuels, pas des sommes récurrentes.

Le gouvernement fédéral a mis un baume sur les plaies des provinces. Il doit, dès maintenant, leur offrir un traitement à long terme.

On ne devrait pas avoir à argumenter ça très longtemps. C’est une question d’arithmétique. Les dépenses des provinces en santé augmentent beaucoup plus vite que leurs revenus.

Depuis 20 ans, elles grimpent généralement de 5 à 6 % par année. Or, la hausse annuelle des transferts en santé en provenance du fédéral est de 3 %.

Et ces dépenses ne vont certainement pas se stabiliser au cours des prochaines années. La pandémie nous a rappelé qu’il est urgent d’investir pour améliorer la résilience de nos systèmes de santé.

Prenons un exemple bien précis : il y a désormais plus de 9000 préposés aux bénéficiaires de plus dans les CHSLD au Québec. Ça représente des dépenses additionnelles, récurrentes, de 800 millions de dollars par année. Une somme substantielle.

N’oublions pas non plus que le vieillissement de la population au Québec va continuer de faire grimper les investissements nécessaires en santé, au même titre que le coût élevé des nouvelles technologies et des médicaments.

Les provinces affirment que les sommes attribuées par Ottawa permettent actuellement d’éponger 21 % de leurs dépenses en santé et qu’elles voudraient que cette part atteigne 35 %.

C’est pourquoi elles réclament à Ottawa 28 milliards de plus annuellement. Un montant astronomique, c’est vrai, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’une position de négociation.

À Ottawa, on a répliqué à quelques reprises depuis lundi que les calculs des provinces sont erronés parce qu’ils ne tiennent pas compte de la façon dont la contribution fédérale a été modifiée en 1977. Une partie des sommes traditionnellement versées pour la santé avait alors été offerte aux provinces sous forme de points d’impôt.

Selon des calculs effectués par le professeur d’économie Trevor Tombe de l’Université de Calgary, la valeur de cette somme en 2022 atteindrait quelque 20 milliards de dollars. Si on l’ajoute au financement accordé annuellement par le Transfert canadien en matière de santé, qui s’élève cette année à 45 milliards, la part des dépenses des provinces assumée par Ottawa tournerait donc autour de 32 %.

Théoriquement, ce débat n’est pas sans intérêt.

Le problème, c’est que ce chamaillage ne réglera rien et n’améliorera pas le sort des usagers du système de santé.

Il ne change rien, non plus, au fait que les provinces ont besoin qu’Ottawa injecte des sommes substantielles en santé. Faute de quoi, elles devront réduire les sommes actuellement allouées à d’autres missions de l’État (comme l’éducation et l’entretien des infrastructures).

Pourtant, face aux appels répétés des provinces qui souhaitent négocier de bonne foi, le premier ministre canadien et ses ministres concernés tergiversent et refusent de collaborer. Ce qui ne les empêche cependant pas d’envisager de nouvelles dépenses, comme un programme d’assurance médicaments et de soins dentaires, au lieu de s’assurer du bon financement du système de santé.

Justin Trudeau est premier ministre depuis assez longtemps pour savoir que se faire tirer l’oreille, dans un dossier si important, n’est pas une preuve de leadership.

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