La pression sur le gouvernement du Québec et la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda quant aux émanations d’arsenic vient encore de monter d’un cran cette semaine.

D’abord, une cinquantaine de médecins de la ville – soit plus de la moitié – ont signé une lettre pour réclamer qu’on impose à la fonderie la même norme qu’ailleurs au Québec pour ce qui est de l’arsenic.

Puis, le Collège des médecins est intervenu publiquement pour déplorer la situation actuelle et inviter le gouvernement à agir rapidement.

« Les données scientifiques sont claires. On doit rapidement mettre en place des mesures pour assurer une meilleure qualité de l’air », a plaidé l’ordre professionnel des médecins du Québec.

L’Ordre des chimistes du Québec s’est aussi prononcé à ce sujet, mettant en doute la « gestion » du gouvernement et de l’entreprise Glencore, qui possède la fonderie.

Ces interventions publiques ne sont pas banales. Il importait d’en tenir compte, et c’est ce que François Legault a fait mardi lorsqu’il a dit qu’il n’excluait pas de faire fermer la fonderie.

Après cette sortie du premier ministre, si les propriétaires de l’usine ne réalisent pas qu’ils ne s’en tireront pas avec des demi-mesures, ils ne le comprendront jamais.

Les sorties publiques qui s’accumulent depuis quelques semaines démontrent qu’à peu près tout le monde, à l’heure actuelle, pense que la fonderie recrache encore trop d’arsenic dans l’air de Rouyn-Noranda.

Il n’y a que les responsables de l’usine qui rechignent à réduire drastiquement leurs émissions. Oui, la facture, pour eux, serait élevée. Mais compte tenu des risques que ça représente pour la santé, le statu quo est injustifiable.

Les émanations d’arsenic de la fonderie sont encore bien loin de la norme établie par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, qui est de 3 nanogrammes par mètre cube.

Le gouvernement du Québec a toutefois permis à la fonderie de dépasser largement ce taux. Il lui a accordé une « attestation d’assainissement », qui se veut une clause de droits acquis – dite clause grand-père – renouvelable.

Lorsqu’elle a été renouvelée pour la dernière fois, en 2017, on a limité la concentration moyenne annuelle d’arsenic associée à la fonderie à 100 nanogrammes par mètre cube, soit 33 fois plus que la norme.

Le débat semble très technique, mais derrière ces chiffres se cachent des problèmes de santé potentiels.

Les médecins de Rouyn-Noranda ont notamment rappelé qu’à partir d’un taux d’arsenic de 15 nanogrammes par mètre cube, « des effets neurocognitifs ont été décrits dans certaines études sur des enfants ».

L’an dernier, près de la fonderie, la concentration moyenne d’arsenic dans l’air aurait été de 87 nanogrammes par mètre cube.

On comprend facilement l’impatience et le désarroi quand on pense qu’un groupe de travail formé par Québec avait recommandé à l’usine, dès 2004, de réduire ses émissions à moins de 10 nanogrammes par mètre cube.

Si, du côté de la fonderie, on persiste à dire qu’il est impossible d’atteindre rapidement la norme québécoise pour ce qui est du taux d’arsenic, jusqu’à quel point les émissions devraient-elles être réduites et à quelle vitesse ? Qu’est-ce qui serait sécuritaire ?

Il faut espérer que le nouveau directeur national de santé publique du Québec offrira ce mercredi des réponses à ces questions. Le Dr Luc Boileau est à Rouyn-Noranda pour faire le point sur la question. Il présentera l’avis tant attendu de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) sur l’évaluation du risque cancérigène attribuable aux concentrations d’arsenic et de cadmium dans l’air.

Rares sont ceux qui rêvent de voir l’usine fermer ses portes. Le problème, c’est qu’en voulant la garder ouverte à tout prix, on a trop longtemps fait preuve de complaisance.

Mais le ton du débat a changé.

Même la Chambre de commerce de Rouyn-Noranda estime aujourd’hui que la vitalité économique ne peut pas prendre le pas sur la santé de la population.

L’heure est donc venue de serrer la vis à la fonderie. Une clause de droits acquis ne peut pas justifier le laisser-faire.

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