Nul besoin de se payer un coûteux voyage à l’autre bout du monde pour fuir la morosité ambiante. Pour 180 $, on peut assister au congrès de la Coalition avenir Québec qui se tiendra à Drummondville le week-end prochain.

Durant deux jours, la CAQ proposera un programme qui fera oublier tout ce qui ne tourne pas rond au Québec : inflation, prix de l’essence, crise du logement, crise climatique (y compris le controversé 3e lien), pénurie de main-d’œuvre, manque de places en garderie, gestion du système de santé… La plupart des questions qui préoccupent les Québécois ne se retrouvent pas au menu !

Au nombre de 23, les propositions soumises aux militants de la CAQ tournent autour du thème rassembleur de la fierté nationale, un thème fortement appuyé par la Commission de la relève de la CAQ (l’aile jeunesse du parti, qu’on aurait espérée un peu plus contestataire, même s’il s’agit de la CAQ) : création d’un musée de l’Histoire nationale, renforcement du cours de français, protection du patrimoine, financement de la recherche universitaire francophone… Le controversé projet de loi 96, adopté mardi, n’est pas au programme, mais on parlera du rapatriement des pouvoirs en immigration, autre sujet à teneur nationaliste.

Ne soyons pas naïfs, l’objectif d’un congrès politique est de mobiliser les militants. À quelques mois des élections du 3 octobre prochain, ce congrès ne fait pas exception à la règle : on distribuera les tapes dans le dos et on préparera l’argumentaire pour les soupers-spaghetti et les tournois de golf de l’été. Il ne s’agit pas d’élaborer la plateforme électorale, qui viendra plus tard.

Cela dit, même si les congrès politiques sont avant tout le lieu où on motive les troupes, c’est aussi l’occasion de débattre d’idées.

Le contenu du congrès de la CAQ, qui a peut-être le mérite d’être un chef-d’œuvre de marketing politique, offre un contraste frappant avec le quotidien des Québécois.

On a beau être un militant caquiste convaincu, comment ne pas trouver superflue la proposition d’une plateforme pour l’achat de billets de spectacles québécois (proposition n° 17) alors que de plus en plus de gens se demandent s’ils ne devront pas consacrer l’argent prévu pour se divertir à payer le plein d’essence, l’épicerie ou encore, les frais mensuels de Bonjour Santé pour se dénicher un rendez-vous avec un omnipraticien dans un rayon de 20 km…

Les organisateurs du congrès ont fait disparaître par magie tout ce qui risquait de soulever la controverse comme la taxe sur l’essence ou les vraies conséquences des changements climatiques (au moment d’écrire ces lignes, quelque 100 000 Québécois étaient toujours privés d’électricité à la suite des orages violents du week-end dernier).

De la part d’un parti qui s’apprête à diriger le Québec pour quatre années supplémentaires, on était en droit de s’attendre à un peu plus de profondeur, à une certaine sobriété face à l’ampleur des obstacles que doivent surmonter les Québécois en 2022.

Les questions liées au patrimoine et à la défense du fait français ne sont pas insignifiantes, mais il y a des questions plus urgentes.

Pensons seulement à l’immense défi du vieillissement de la population et son impact sur les services de l’État. Dans ce contexte, l’idée de mettre sur pied un concours pour désigner la capitale touristique de l’année (proposition n° 20), ou de soutenir nos producteurs d’alcool (proposition n° 23), c’est comme choisir la cerise qui ornera le glaçage d’un gâteau. Peut-on d’abord faire cuire le gâteau ?

Pas de doute, il fait bon vivre dans la bulle caquiste, une bulle gonflée à bloc où on semble voir la vie avec des lunettes roses.

Mais de la part d’un parti qui a le destin des Québécois entre les mains, on se serait attendu à un congrès un peu plus sensible à la réalité de la majorité des électeurs québécois.

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