Le Québec est une plaque tournante mondiale de l’intelligence artificielle. Pourtant, on utilise encore des télécopieurs dans notre système de santé, la gestion des chantiers à Montréal semble représenter un casse-tête insoluble et le vieillissement de la population nous prend par surprise comme s’il s’agissait d’un phénomène imprévisible.

C’est pour ça – et pour mille autres raisons du même genre – que le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, a déposé la semaine dernière ce qu’il a baptisé la « SQRI au carré ».

La Stratégie québécoise pour la recherche et l’investissement en innovation.

Le document de 90 pages vise à donner une vision d’ensemble à toute la chaîne de la recherche au Québec, le tout doté d’un budget de 7,5 milliards sur 5 ans.

Cette stratégie a été bien accueillie, avec raison. La CAQ est connue pour agir vite, parfois un peu trop. Cette fois, le gouvernement a pris son temps. Pas moins de 233 mémoires ont été reçus avant l’élaboration du document. De toute évidence, ils ont été lus.

L’essence de cette SQRI⁠2 se résume simplement : le Québec doit mieux tirer profit de ses forces en recherche. Beaucoup mieux.

Comme plusieurs avant lui, M. Fitzgibbon constate que le Québec est dans le peloton de tête international pour la vigueur de sa recherche scientifique. Mais ce bouillonnement peine à quitter les murs des universités et des centres de recherche.

On l’a dit et répété : il faut mieux « commercialiser » cette recherche. Nos entreprises innovent peu et leur productivité est à la traîne. En contexte de pénurie de main-d’œuvre, c’est particulièrement problématique. Plus que jamais, il faut faire plus avec moins. Cela commande d’être inventif.

Mais là où la stratégie de M. Fitzgibbon est particulièrement intéressante, c’est dans sa volonté d’utiliser l’innovation non seulement pour faire du commerce, mais aussi pour trouver des solutions à nos problèmes de société.

Le Québec est actuellement confronté à des défis colossaux. Il est engagé dans une refonte de son système de santé. Il doit faire face au vieillissement de sa population. Surtout, il doit se transformer en société à faibles émissions de carbone tout en s’adaptant aux impacts des changements climatiques.

Ces virages requièrent de nouvelles idées et nos chercheurs doivent être mis à contribution. Cette volonté n’est pas nouvelle, mais elle transparaît plus clairement que jamais dans la SQRI⁠2. Tant mieux.

Évidemment, s’il est assez facile d’écrire les bonnes choses dans une stratégie, il est autrement plus difficile de mettre celle-ci en œuvre pour qu’elle atteigne ses objectifs.

La SQRI⁠2 pose les bons diagnostics. Elle se fixe aussi des cibles précises, toujours définies par rapport à l’Ontario (une obsession personnelle de François Legault). Un exemple : on veut amener de 71 % à 76 % la part des entreprises qui innovent dans leurs processus d’affaires pour rattraper la province voisine.

L’objectif général de la SQRI⁠2 est d’ailleurs de réduire de moitié d’ici cinq ans notre écart de productivité avec l’Ontario (il est de 5,8 %).

Pour mesurer les progrès, un « baromètre de l’innovation » est créé, calqué sur le tableau de bord du ministre Christian Dubé dans le réseau de la santé. On ne peut qu’applaudir.

Il reste à voir si les mesures annoncées seront suffisantes pour régler des problèmes qui hantent le Québec depuis des décennies. Pour inciter le ministère de la Santé et des Services sociaux à se tourner vers la recherche québécoise, par exemple, un « comité stratégique d’innovation » y est implanté. Insufflera-t-il un réel changement de culture ou ajoutera-t-il une couche supplémentaire de bureaucratie ? À suivre.

La même chose est vraie quand on nous promet qu’Investissement Québec et le nouveau Conseil de l’innovation du Québec intégreront le développement durable dans leurs décisions. Quelqu’un devra s’assurer que ces beaux mots se transforment en actions.

Avec sa stratégie sur la recherche et l’innovation, le ministre Fitzgibbon ressemble à un cuisinier qui vient de coucher sur papier ce qui semble être une excellente recette de gâteau. Il reste le plus difficile : se mettre aux fourneaux et faire lever ledit gâteau.

Il faut être prêt à casser des œufs et à brasser du mélange.

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