Un jeune arbitre a été agressé dimanche à Dollard-des-Ormeaux. Il a reçu un coup de poing au visage, asséné par un grand-père qui assistait au match de soccer entre deux équipes d’adolescents. Un parent dans l’assistance est intervenu pour maîtriser l’agresseur.

La scène a été filmée, elle a circulé dans les médias et les réseaux sociaux et vingt-quatre heures plus tard, le grand-père s’est excusé publiquement, ce qui était la moindre des choses dans les circonstances.

Il ne s’agit pas d’un évènement isolé. Le monde du sport amateur est régulièrement le théâtre d’incidents du genre.

En fait, l’agressivité et la violence dont sont victimes les arbitres dans le sport amateur sont à ce point répandu qu’une équipe du département d’éducation physique de l’Université Laval a documenté ce fléau. Dans un rapport intitulé Expériences des jeunes officiels du Québec, rendu public l’an dernier, les auteurs ont interviewé 27 jeunes arbitres pour les questionner sur leur travail. En gros, la recherche conclut que l’agressivité fait « partie du métier » et que les jeunes se sont fabriqué une carapace pour affronter les comportements problématiques des entraîneurs et des parents qui assistent au match. On parle même de « normalisation de la violence ».

Le phénomène est également abordé dans le rapport Le hockey, notre passion du Comité québécois sur le développement du hockey rendu public la semaine dernière. On souligne qu’une forte proportion des arbitres décrochent à cause de l’agressivité et du stress subis.

Parmi les recommandations, les auteurs du rapport proposent l’installation de caméras dans les arénas, la diffusion de campagnes de sensibilisation et la promotion de l’esprit sportif.

La ministre déléguée à l’Éducation et responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, reconnaît le problème. Elle propose de mettre à jour la Charte de l’esprit sportif, qui date des années 1980. C’est une bonne idée, mais il faudrait étendre la campagne de sensibilisation à l’ensemble de la société.

Car l’agressivité et la violence verbale dépassent les limites du terrain sportif, comme l’illustrent les commentaires de nos lecteurs (voir l’écran 3). Parlez-en à tous ceux et celles dont le travail implique le service à la clientèle : restauration, commerce de détail, santé… L’an dernier, sur sa page Facebook, le premier ministre François Legault avait interpellé les Québécois à ce sujet, mentionnant qu’il recevait beaucoup de témoignages de travailleurs aux prises avec la frustration et l’agressivité de la population.

L’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail (APSAPP) a même averti ses membres durant la pandémie : « avec le contexte actuel, il est possible que les employés transigent davantage avec de la clientèle agressive… ». Les nombreuses affiches invitant les gens à garder leur calme dans les salles d’attente médicales ainsi que dans certains commerces ou services gouvernementaux sont là pour témoigner de l’étendue du problème.

Et on ne parle même pas de l’agressivité sur les réseaux sociaux qui est devenue un véritable fléau. Les experts de la santé l’avaient prédit : la pandémie de COVID-19 sera accompagnée d’une autre pandémie, celle de la santé mentale. On y est. En mars dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) notait une augmentation de plus de 25 % des cas d’anxiété et de dépression dans le monde. Derrière les explosions d’agressivité et de colère se cachent une très grande fatigue liée au contexte des deux dernières années. Et le stress financier provoqué par l’inflation n’arrange rien.

Les gens sont à fleur de peau. La population n’est visiblement pas suffisamment outillée pour faire face à cette épidémie silencieuse.

Oui, les gouvernements fédéral et provincial offrent différentes ressources auxquelles on peut se référer quand rien ne va plus. Mais avant même de parler de ressources ou de l’accès aux services, qui demeure un problème, encore faut-il être capables de reconnaître que ça ne va pas.

Voilà un beau dossier pour la Santé publique qui a confirmé la fin des mesures sanitaires cette semaine. Il serait grand temps de lancer une campagne de sensibilisation nationale qui inciterait les gens à faire davantage attention à leur santé mentale, en rappelant qu’il existe des façons d’en prendre soin au quotidien. Et en leur expliquant les liens entre le stress, la fatigue et l’agressivité.

Il reste beaucoup d’éducation à faire dans ce domaine.

Une éducation nécessaire si on veut éviter des dérapages qui nous obligent à nous excuser sur la place publique le lendemain. D’ici là, on respire par le nez ?

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