On déplore le rejet d’une motion déposée par le Bloc québécois, à Ottawa, visant à réitérer le « libre choix » de la femme en matière d’avortement « pour quelque raison que ce soit ».

On le déplore, mais on ne peut hélas s’en étonner. C’est que son adoption nécessitait le consentement de tous les députés, alors qu’il y a encore, à la Chambre des communes, plusieurs dizaines de conservateurs qui sont contre l’avortement.

Il importe cependant de réfléchir à ce que nous enseigne ce refus. Il nous rappelle, tout comme la victoire annoncée des opposants à l’avortement aux États-Unis, qu’il ne faut rien tenir pour acquis sur cet enjeu.

D’autant qu’on sait aussi que des militants déploient, au Canada comme aux États-Unis, d’importants efforts pour faire élire des candidats conservateurs qui préconisent l’interdiction de l’avortement – on vient d’ailleurs d’apprendre qu’il y en a un au sein de l’équipe d’Éric Duhaime. Leur lutte ne s’arrêtera pas de sitôt.

Pour toutes ces raisons, ceux et celles qui veulent diriger le Parti conservateur du Canada doivent être d’une clarté irréprochable sur la question de l’avortement.

Nous l’avons déjà soutenu au fil des ans, nous le répétons aujourd’hui, à quelques mois de l’élection d’un nouveau chef.

On sait exactement où loge l’aspirante Leslyn Lewis, par exemple. Cette avocate et députée de l’Ontario s’oppose à l’avortement et certaines de ses politiques auraient pour effet d’en restreindre l’accès. Et si elle remportait la course au leadership du Parti conservateur, ce dernier se retrouverait forcément marginalisé.

Jean Charest non plus n’a laissé planer aucune ambiguïté. Il est aux antipodes de Leslyn Lewis.

« Je suis pro-choix. Un gouvernement sous ma direction n’appuiera pas une législation restreignant les droits reproductifs », a-t-il annoncé sur Twitter. Il a aussi précisé que si des députés présentaient « des projets de loi d’initiative parlementaire » à ce sujet, il ne les soutiendra pas.

Quant à Pierre Poilievre, sa discrétion tranche avec le ton mordant qu’il utilise généralement pour d’autres enjeux. Et il a « mis tout la journée à consulter ses conseillers à Ottawa », a raillé son rival Patrick Brown, dans un courriel envoyé à ses partisans.

Mardi soir, l’équipe de Pierre Poilievre a fini par affirmer que s’il devient premier ministre, il « n’introduira ni n’adoptera aucune loi restreignant l’avortement ». On présume donc qu’il ne soutiendrait, lui non plus, aucun projet de loi d’initiative parlementaire en ce sens.

Les électeurs sont en droit de savoir, sans l’ombre d’un doute, où il loge sur la question. Il est important pour lui de clarifier sa position rapidement.

Et il devra le faire même s’il est évident qu’il souhaiterait ne pas se compromettre, car il voudrait récupérer les partisans de Leslyn Lewis lorsqu’elle ne sera plus dans la course. Mais jouer sur tous les tableaux n’est jamais une formule gagnante. Parlez-en à Erin O’Toole.

Lorsqu’on dit qu’on ne doit rien tenir pour acquis dans le dossier de l’avortement, ça signifie aussi qu’il est urgent de renforcer les protections qui existent au Canada et d’élargir l’accès.

Dans ce cas, ce sera au gouvernement libéral, au cours des prochaines semaines, de nous prouver qu’il a bien pris la mesure de ce défi.

Justin Trudeau a demandé mercredi à deux de ses ministres (Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé ainsi que Marci Ien, ministre des Femmes, de l'Égalité des genres et de la Jeunesse) de revoir le cadre légal entourant le droit à l’avortement. Entre autres pour que « toutes les femmes aient ce libre choix à travers le pays ».

C’est qu’Ottawa n’a pas encore trouvé de solution, notamment, aux problèmes d’accès à l’avortement au Nouveau-Brunswick, malgré les promesses faites par les libéraux en campagne.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a évoqué certaines pistes. Notamment la création d’un fonds « pour aider l’augmentation des services dans les régions rurales et pour aider à couvrir les coûts des personnes qui utilisent ces services ».

Par ailleurs, il faut saluer la réaction de certains ministres canadiens aux récents développements américains : ils se disent prêts à faciliter l’accès au Canada des femmes qui ne pourraient pas faire interrompre leur grossesse aux États-Unis.

Mais si c’est le cas, des cliniques canadiennes pourraient rapidement avoir du mal à répondre à la demande. N’attendons pas l’apparition de nouveaux problèmes d’accès – prévisibles – avant de trouver des solutions !

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