Les règles imposées à Airbnb sont plus sévères au Québec depuis trois ans, mais visiblement, ce n’est pas suffisant. Depuis quelques jours, une carte de l’île de Montréal couverte de points rouges provenant du site Inside Airbnb circule dans les réseaux sociaux. On dit que chaque point représenterait un appartement de location de courte durée. La députée de Québec solidaire Ruba Ghazal a diffusé cette carte sur Twitter pour interpeller la ministre responsable de l’Habitation, Andrée Laforest.

Impossible de vérifier chaque point sur la carte, mais une brève visite sur Airbnb suffit pour constater qu’il y a un très grand nombre de locations à court terme disponibles à Montréal. Et en pleine crise du logement, cela suscite l’indignation. D’autant que Montréal s’attend à une augmentation de 10 à 25 % du nombre de familles qui se retrouveront sans logis à compter du 1er juillet.

IMAGE TIRÉE DE FACEBOOK

Toutes les grandes villes du monde sont aux prises avec ce problème. C’est devenu si grave que des villes comme Barcelone et New York interdisent désormais la location à court terme de moins de 30 jours.

Depuis 2019, Revenu Québec dispose de plus de pouvoirs pour pincer les propriétaires qui utilisent Airbnb à des fins commerciales sans permis. En effet, chaque locateur doit s’inscrire et afficher son numéro de permis dans son offre de location. Les contrevenants s’exposent à des amendes allant de 2500 $ à 25 000 $. Pour l’année 2021-2022, Revenu Québec a effectué 3335 inspections, signifié 1759 constats d’infraction qui ont abouti à 919 condamnations.

La Ville de Montréal a elle aussi adopté des mesures plus restrictives. Selon les arrondissements, la location à court terme est limitée à certaines rues. Des inspecteurs peuvent monter des dossiers et l’arrondissement portera plainte, mais de l’aveu du vice-président du comité exécutif de la Ville, Benoit Dorais, également maire du Sud-Ouest, le processus est long et fastidieux.

En vérité, les gouvernements ne sont pas de taille face à cette entreprise tentaculaire. Et ce n’est pas propre à la métropole. Les mêmes enjeux s’observent à Québec, Trois-Rivières, Gatineau ainsi que dans plusieurs régions de villégiature. Airbnb dérange les écosystèmes et pose toujours des défis aux élus.

Un des problèmes, c’est que les règlements ne sont pas respectés. Il suffit d’une visite sur le site Airbnb pour le constater : peu de locateurs affichent leurs numéros de permis, et on trouve des locations de courte durée partout, même dans les rues où c’est interdit. Quant aux prix, ils donnent le vertige : 200, 300, 400 $ la nuit. Et ils fluctuent, comme le font les prix de Uber un soir du Nouvel An. Un condo qui se loue 233 $ par jour dans la rue Richmond près de la rue des Bassins, dans Griffintown, en coûtera 2553 $ la nuit durant le week-end du Grand Prix de Formule 1. On est loin, très loin des intentions de départ de cette plateforme participative qui permettait à des individus d’arrondir leurs fins de mois en louant leur appartement lorsqu’ils partaient en vacances. On est face à des entreprises qui utilisent la plateforme trop souvent à l’abri de l’impôt.

Les effets néfastes d’Airbnb dans les communautés sont documentés depuis plusieurs années : nuisance pour le voisinage, détérioration de la vie de quartier, impact sur les commerces de proximité… La Presse avait publié un dossier très complet sur la question en 2018, dossier qui demeure pertinent même si certaines règles ont changé.

Lisez notre dossier « L’effet Airbnb »

Airbnb est loin d’être l’unique responsable de la crise du logement qui sévit dans nos villes, mais elle y contribue certainement en réduisant le nombre de logements disponibles sur le marché et en faisant grimper le coût des loyers. Il n’y a pas 36 000 solutions pour lutter contre ce fléau. Il faut plus d’inspecteurs sur le terrain pour prendre les locateurs sur le fait. Et il faut des amendes encore plus salées afin de décourager les propriétaires qui l’utilisent à des fins commerciales en se soustrayant aux règles.

Bien sûr, ça ne nuirait pas si les résidants disaient haut et fort qu’ils ne souhaitent plus ce type de location dans leur quartier comme l’ont fait les Barcelonais, par exemple.

La qualité de vie et la diversité de nos villes en dépendent.

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