On voit ça dans les usines. Des employés qui font subir les pires tests imaginables aux produits. L’objectif est d’éprouver leur solidité, de déterminer leurs failles et d’améliorer les processus.

C’est à croire que les dirigeants d’Air Canada et du Canadien National se sont donné la mission de faire la même chose avec notre Loi sur les langues officielles.

Le PDG d’une compagnie aérienne déjà championne des plaintes linguistiques qui donne un discours en anglais à Montréal malgré les avertissements… et qui s’en défend ensuite avec arrogance ?

Une entreprise ferroviaire assujettie à la Loi sur langues officielles et installée rue De La Gauchetière, à Montréal, incapable de dénicher un seul membre qui parle français pour siéger à son conseil d’administration ?

Bien imaginé. La loi, c’est vrai, n’avait pas prévu d’affronts aussi flagrants.

Mais ça tombe bien : le fédéral est justement en train de revoir sa Loi sur les langues officielles. Et ces offenses donnent l’occasion de colmater les brèches.

La controverse médiatique et les appels des politiciens ont poussé le CN à annoncer mardi qu’il trouvera un administrateur francophone. Mais on ne pourra pas non plus régler chaque aberration par les hauts cris.

Si le bon jugement ne s’impose pas de lui-même, il faut l’imposer par la loi.

Les spécialistes sont clairs : le CN ne viole pas la loi actuelle en ayant un conseil d’administration unilingue anglophone. Et ce, même si cette ancienne société d’État est l’une des rares entreprises à laquelle la Loi sur les langues officielles s’applique entièrement, comme si elle était toujours une institution fédérale.

La loi précise bien qu’il faut que « la haute direction soit en mesure de fonctionner dans ces deux langues ». Mais un conseil d’administration, voyez-vous, ce n’est pas la direction.

Voilà une faille. Une faille que ne corrige pas le projet de loi C-13 sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, actuellement à l’étude au Parlement.

Le CN montre la nécessité de le bonifier.

Le président du comité permanent sur les langues officielles, le député libéral René Arseneault, estime qu’Ottawa devrait imposer une proportion minimale d’administrateurs francophones aux entreprises assujetties à la Loi sur les langues officielles comme Air Canada et le CN.

Une autre idée serait de reprendre la formulation qui s’applique déjà à la haute direction et exiger que ces conseils d’administration puissent fonctionner dans les deux langues. Une obligation qui ne touche pas chaque individu, mais le groupe dans son ensemble.

On dira que c’est symbolique. Que les administrateurs, de toute façon, discuteront en anglais entre eux.

Mais le rôle d’un administrateur ne se limite pas à tenir quelques réunions par année avec les autres membres du C.A. Le Collège des administrateurs de sociétés le définit comme celui de « veiller aux intérêts de l’entreprise et de ses actionnaires tout en se souciant des impacts de leurs décisions sur les parties prenantes », y compris les employés et « la communauté dans laquelle est implantée l’entreprise ».

En considérant cela, il est parfaitement légitime d’exiger que les C.A. d’anciennes sociétés d’État comme le CN, Air Canada et NAV Canada puissent entretenir des relations en français avec la communauté ou les employés des entreprises qu’ils représentent. Ou simplement de comprendre leurs préoccupations.

Il ne faut pas non plus sous-estimer la force des symboles. La choquante désinvolture avec laquelle Air Canada et le CN gèrent leurs obligations linguistiques percole du haut de la pyramide à l’ensemble de l’organisation.

C’est ainsi qu’Air Canada croule sous les plaintes depuis des décennies sans que ça change.

C’est ainsi, aussi, que des employés du CN de l’est du pays disent faire l’objet de menaces et de sanctions disciplinaires s’ils utilisent le français au travail, comme le révélait récemment notre collègue Julien Arsenault.

Qu’on en soit encore là en 2022 est inacceptable.

La version actuelle du projet de loi C-13 ajoute déjà du mordant à la Loi sur les langues officielles. Le CN nous montre qu’il faut serrer la vis un tour de plus.

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