Pour dire les choses franchement, il n’y a pas grand-chose qui tienne la route dans cette idée de rendre le Québec « maître chez lui » en matière d’environnement.

L’idée est décrite dans le projet de loi 391, porté par le député du Parti québécois Sylvain Gaudreault. La semaine dernière, l’Assemblée nationale en a adopté le principe à l’unanimité.

Il faut croire que plusieurs députés n’ont pas poussé la réflexion jusqu’au bout avant d’enregistrer leur vote.

Oui, le gouvernement Trudeau a la fâcheuse tendance de piétiner les champs de compétence des provinces. Le réflexe de lui dire de se mêler de ses affaires est donc parfaitement compréhensible.

Dans le cas de l’environnement, toutefois, il s’agit d’un mauvais combat.

D’abord, de l’avis des experts, le projet de loi 391 est bancal d’un point de vue juridique.

Ensuite, pour la protection de l’environnement, il conduirait à des reculs majeurs.

Finalement, d’un point de vue politique, il a le drôle d’effet de diriger le blâme sur le fédéral dans un dossier où c’est le provincial qui est en faute : celui du caribou forestier.

Le projet de loi 391 a été imaginé à l’époque où Stephen Harper cherchait à imposer l’oléoduc Énergie-Est au Québec. Il vise à affirmer la « primauté » du Québec en matière d’environnement, actuellement une compétence partagée entre le provincial et le fédéral.

Le constitutionnaliste Benoît Pelletier, pourtant favorable à une décentralisation des pouvoirs au Canada, juge que le projet de loi « ne tient pas la route ». Il voit cinq écueils majeurs dans le document d’à peine trois pages, notamment le fait que le Québec ne peut décider unilatéralement que ses lois ont préséance sur les lois fédérales.

Au-delà de la mécanique juridique, c’est l’esprit même du projet de loi qui cloche.

En entrevue, Sylvain Gaudreault nous a dit estimer que l’environnement devait être de compétence provinciale puisque les ressources naturelles le sont aussi. C’est réducteur.

Aujourd’hui, on souhaite que la dimension environnementale soit considérée dans le plus de champs d’activité possible. Le transport de marchandises, les pêches, les questions autochtones et le transport aérien sont des exemples de compétences fédérales dans lesquelles les questions environnementales sont incontournables.

La réalité est aussi que la pollution ne s’arrête pas aux affiches qui disent « Bienvenue en Ontario » sur la route 401. L’an dernier, le gouvernement Trudeau a plaidé devant la Cour suprême qu’il devait fixer un prix sur le carbone à l’échelle du pays dans « l’intérêt national ». Il a eu gain de cause, et c’est tant mieux.

Si le Québec gagne la pleine compétence sur l’environnement, d’autres provinces, dont Terre-Neuve-et-Labrador et l’Alberta, voudront faire de même. Cela nous enlèverait à peu près tout levier pour freiner les émissions du secteur pétrolier et donner une chance au Canada d’atteindre ses cibles climatiques.

Parlons finalement du caribou forestier. Par une coïncidence qui ne manque pas d’ironie, le « principe » du projet de loi 391 a été adopté le jour même où le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, annonçait son intention d’intervenir au Québec pour sauver cette espèce, victime collatérale des coupes forestières.

Cela donne l’impression que le vote unanime à l’Assemblée nationale est une demande au fédéral de rester à l’écart du dossier. Politiquement, c’est problématique. Parce que la responsabilité du déclin du caribou revient au provincial, pas au fédéral.

Québec avait toute la latitude au monde d’intervenir pour protéger le caribou forestier. Il a préféré l’inaction et le déni. Steven Guilbeault n’intervient pas par plaisir. Il le fait parce que la loi l’y oblige, comme moyen de dernier recours.

Dénoncer ce filet de sécurité peut servir à faire du millage politique. Mais le caribou a besoin d’action, pas d’une chicane provincial-fédéral.

Pour l’instant, ce n’est que le « principe » du projet de loi 391 qui a été adopté par l’Assemblée nationale. On voit toutefois mal comment ça pourrait aller plus loin et conduire à une véritable loi. Parce que l’affaire apparaît comme une simple et malhabile tentative d’affirmation politique.

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