La décision du gouvernement Trudeau de donner le feu vert au projet Bay du Nord illustre les limites de ce que peut faire, seul, un ministre de l’Environnement. Ce choix incohérent montre qu’un ministre qui mène la lutte contre les changements climatiques a besoin d’appuis à l’intérieur comme à l’extérieur de son gouvernement s’il veut atteindre ses objectifs.

Le temps semble donc venu de repenser nos modes de gouvernance si nous voulons vraiment remporter la lutte contre les changements climatiques.

La semaine dernière, le député péquiste Sylvain Gaudreault a fait adopter à l’unanimité une motion à l’Assemblée nationale qui comportait plusieurs propositions en lien avec la réduction des émissions de GES.

M. Gaudreault ne s’en cache pas, avant de quitter la vie politique, il aimerait jeter les bases d’un caucus formé de députés issus de tous les partis qui travaillerait sur le dossier de la lutte contre les changements climatiques. Il existe déjà un comité consultatif sur les changements climatiques composé de 12 bénévoles qui conseillent le ministre de l’Environnement sur certains enjeux. Le caucus imaginé par M. Gaudreault pourrait lui aussi conseiller, mais également proposer des lois. Selon le député de Jonquière, si on veut vraiment avancer, il est temps de faire de la lutte contre les changements climatiques un enjeu transpartisan.

Notre Assemblée nationale a déjà de l’expérience avec cette approche. Qu’on pense à la Loi concernant les soins de fin de vie ou au Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et conjugale, deux enjeux qui ont été travaillés à l’extérieur de la joute partisane.

M. Gaudreault n’est pas le seul à réfléchir à la gouvernance verte.

Dans son essai La caution verte  le désengagement de l’État québécois en environnement, l’ancien journaliste du Devoir Louis-Gilles Francœur consacre tout un chapitre à la refonte du ministère de l’Environnement. Selon lui, ce ministère doit en finir avec la vision en silo et promouvoir une approche intégrative de la lutte contre les changements climatiques.

Ancien commissaire au BAPE, M. Francœur propose entre autres la création de divisions à l’intérieur de chaque ministère qui seraient placées sous la gouverne de l’Environnement et qui influenceraient toutes les décisions.

À l’heure actuelle, martèle-t-il, le ministre de l’Environnement n’a ni les pouvoirs ni les budgets pour remplir son mandat. Il est comme un capitaine sans gouvernail.

Ce constat de stagnation est partagé.

Le consortium en climatologie régionale Ouranos pense lui aussi qu’il faut revoir la prise de décision en environnement. Il a inscrit la « gouvernance climatique en adaptation aux changements climatiques » dans ses priorités de recherche. Son directeur général, Alain Bourque, constate que les processus décisionnels sont mal compris, et ce, dans tous les ordres de gouvernement. Résultat : rien ne bouge.

Invité par le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, Benoit Charette, en marge de la COP 26, M. Bourque a animé une session d’information sur les effets des changements climatiques destinée à un groupe de députés de l’Assemblée nationale. Ce qu’il a observé ? « Des discussions franches, honnêtes, rafraîchissantes, dépourvues de partisanerie ». On peut penser que Sylvain Gaudreault, qui était au nombre des participants, a sans doute trouvé là une inspiration.

Cette approche a l’avantage de dépolitiser l’enjeu climatique et d’en faire un objectif collectif défendu par tous les élus.

Rappelons qu’au Québec, nous disposons d’un coffre à outils assez sophistiqué pour lutter contre les changements climatiques : Loi sur le développement durable, BAPE, normes en environnement…

Ce qui manque ? De la volonté politique pour utiliser ces outils à leur plein potentiel.

Est-ce qu’un comité transpartisan qui viendrait appuyer le ministre de l’Environnement pour donner plus de poids à ses décisions serait la solution ? C’est une avenue à évaluer.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion