L’Assemblée nationale est-elle une institution « passée date » ?

C’est ce qu’a déclaré la députée solidaire Catherine Dorion en annonçant qu’elle ne solliciterait pas de nouveau mandat aux prochaines élections provinciales.

Ceux et celles qui ont suivi la carrière de Mme Dorion ne seront pas surpris : la pensée de la députée de Taschereau s’inscrit dans la mouvance anarchiste qui, comme la mouvance libertarienne, s’oppose à toute institution politique, médiatique, etc.

Que Mme Dorion se sente à l’étroit au sein de notre système parlementaire lui appartient. Mais il ne faudrait pas que son inconfort se traduise par une tentative de désinformation. Sa sortie très médiatisée à propos de l’Assemblée nationale n’est pas seulement injuste, elle est inexacte. Injuste pour ses collègues de l’Assemblée nationale – y compris les députés de son propre parti – qui en font une institution vivante qui fait avancer la société québécoise. Et inexacte parce que l’Assemblée nationale, comme toutes les institutions québécoises, évolue et se modernise au fil des ans. C’est faux de dire qu’elle est figée dans le temps.

L’Assemblée nationale du Québec est une institution très ouverte, nous rappelle le politologue Éric Montigny. C’est un modèle basé sur la démocratie participative qui inspire bien des états.

Alors que la guerre fait rage en Ukraine au détriment de tout principe démocratique, il est bon de rappeler que c’est dans les assemblées législatives que le président Zelensky vient plaider sa cause.

Mme Dorion, qui a fait ses études à la London School of Economics, est une femme cultivée. Elle n’est sûrement pas sans savoir que notre Assemblée nationale a fait l’objet de plusieurs réformes. L’une des plus marquantes a été initiée par Jean-Charles Bonenfant dans les années 1960. C’est à lui qu’on doit la québécisation de notre assemblée, qui a été débarrassée de tous les symboles britanniques – tricorne, perruques, gants… À son initiative, le « discours du trône » est devenu le « discours d’ouverture », et on a commencé à télédiffuser les débats parlementaires.

Féministe affichée, Mme Dorion ne peut ignorer que c’est à l’Assemblée nationale que les Québécoises ont fait le plus de gains par l’entremise de lois votées par l’ensemble des députés : équité salariale, partage du patrimoine familial, centres de la petite enfance, sages-femmes… Loin d’être dépassée, cette institution est le reflet des valeurs de notre société.

Est-ce que les travaux parlementaires prennent du temps ? Oui, absolument. Comme le souligne Thérèse Mailloux, présidente du Groupe Femmes, Politique et Démocratie, « il n’y a pas d’unanimité dans la recherche de solutions. Il faut débattre et ça prend du temps. Ça sert à ça, un Parlement ».

Enfin, rappelons que notre Assemblée nationale a été, au cours des dernières années, le lieu d’un travail transpartisan absolument admirable qui devrait nous rendre fiers. Pensons à la Loi concernant les soins de fin de vie ou encore, au Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et conjugale. Ces accomplissements sont le fruit d’un travail de tous les députés qui ont mis de côté la ligne de parti et la partisanerie au bénéfice du bien commun. Au-delà de la période de questions très médiatisée, où les affrontements entre les partis relèvent parfois de la foire d’empoigne, il s’accomplit un travail digne de mention que le grand public connaît moins.

Est-ce que l’Assemblée nationale est parfaite ? Bien sûr que non. Comme toute institution, elle est perfectible. Au printemps 2020, son président, François Paradis, a proposé un vaste chantier de réflexion pour entreprendre une réforme parlementaire. Intitulé Une Assemblée nationale dynamique, moderne et à l’écoute, il fait appel à la participation de tous les partis, y compris Québec solidaire qui a présenté 27 propositions. Une illustration supplémentaire de la vitalité démocratique de cette institution.

Comme le disait si bien Jean-Charles Bonenfant, la valeur des institutions politiques correspond aux qualités des hommes et des femmes qui les animent.

Que Mme Dorion ne veuille plus intervenir dans l’enceinte de l’Assemblée nationale est son droit le plus strict. Mais ce n’est pas une raison pour la dénigrer.

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