Le rapport aurait pu s’intituler « Mode d’emploi pour sauver la Terre », le tout en 3675 pages bien tassées.

La brique publiée lundi par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) décrit des scénarios pour nous sortir de la crise climatique. Secteur par secteur, avec moult détails.

On peut choisir d’être découragé par l’ampleur et l’urgence des réformes à déployer. Mais il y a aussi une grande dose d’espoir dans ce document. Le GIEC nous dit qu’il est encore possible de limiter la hausse des températures du globe à 1,5 °C. Que les technologies pour le faire existent. Et que c’est économiquement viable : le coût d’agir est plus faible que le coût de l’inaction.

Le GIEC va jusqu’à nous montrer comment faire. Benoit Charette et Steven Guilbeault, respectivement ministres de l’Environnement à Québec et à Ottawa, pourraient chacun tirer des leçons du récent rapport.

Les voici.

« Yes You Can, Benoit Charette »

À Benoit Charette, le GIEC vient un peu dire : « oui, mon vieux, tu peux aller plus loin ». Le Québec n’a trouvé que la moitié des réductions nécessaires à l’atteinte de sa cible pour 2030, une réduction de 37,5 % par rapport au niveau de 1990.

Le ministre affirme qu’il est « impossible » de surpasser cet objectif. Le rapport du GIEC dément cette déclaration d’impuissance.

Comprenons-nous bien : M. Charette a raison de dire qu’il faut un plan crédible pour atteindre nos engagements actuels avant de les bonifier. Céder à la pression des groupes écologistes et relever nos cibles sans changer d’approche ne mènerait à rien.

Mais le GIEC vient quand même mettre en lumière à quel point nos ambitions sont modestes et insuffisantes par rapport à ce qu’exige la science. Il montre qu’il est parfaitement possible pour la planète de réduire ses émissions de moitié d’ici 2030, et que cela est nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5 °C.

Le Québec est une nation riche, qui a des moyens technologiques et qui pollue beaucoup plus que la moyenne mondiale. Elle peut et doit en faire plus, pas moins que cet effort global de 50 %.

Le problème est que le Québec croit encore pouvoir prendre le virage vers une économie sans carbone sans modifier en profondeur ses façons de faire, en troquant simplement les véhicules à essence pour des véhicules électriques.

Or, c’est plutôt en revoyant l’aménagement du territoire, en misant sur des bâtiments plus efficaces, en changeant nos comportements en transport, en alimentation et en consommation qu’on y parviendra. Les détails sont décrits sur des centaines de pages.

« Refusez Bay du Nord, M. Guilbeault »

Le ministre fédéral Steven Guilbeault, lui, se trouve dans la situation de l’indécis qui a un petit ange sur une épaule et un diable sur l’autre, chacun se disputant sa conscience. Il doit décider d’ici une semaine s’il approuve un nouveau projet pétrolier au pays : Bay du Nord, à Terre-Neuve. Pour lui, le message du GIEC est très clair : ce projet est incompatible avec l’objectif de limiter le réchauffement de la Terre.

PHOTO CHRIS YOUNG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre de l’Environnement du Canada, Steven Guilbeault

Le rapport comporte de longs passages sur les risques de « verrouillage », c’est-à-dire de construire de nouvelles infrastructures qui pollueront pour des décennies et mineront nos efforts.

On aurait d’ailleurs pu croire que le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, s’adressait directement à Steven Guilbeault en présentant le document, lundi.

« Les militants du climat sont parfois dépeints comme de dangereux radicaux, alors que les véritables radicaux dangereux sont les pays qui augmentent la production de combustibles fossiles. Investir dans de nouvelles infrastructures de combustibles fossiles est, moralement et économiquement, une folie », a-t-il dit.

M. Guilbeault aura beau faire toutes les pirouettes sémantiques qu’il veut, le message est limpide et les Canadiens ne sont pas dupes.

En publiant un mode d’emploi pour limiter le réchauffement de la planète, le GIEC envoie un message fort aux politiciens. Un message qui dit : vous n’avez plus d’excuses.

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  • 60 %
    Réduction de la consommation mondiale de pétrole d’ici 2050 si on veut limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius.
    SOURCE : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (giec)