Si le gouvernement veut que les citoyens embarquent dans la transition énergétique, il doit remplir sa part du contrat. Il doit nous montrer que l’argent qu’il pige dans nos poches au nom du climat est bien dépensé.

Cette démonstration, on l’attend toujours.

Au milieu des années 2010, le Vérificateur général a dénoncé les nombreux ratés dans la gestion du Fonds vert, cette caisse dans laquelle pige le gouvernement du Québec pour financer ses plans de lutte contre les changements climatiques.

Depuis, le fonds a été rebaptisé Fonds pour l’électrification et les changements climatiques. Mais au-delà du changement d’enseigne, les milliards de dollars qu’il contient sont-ils mieux utilisés ?

Jeudi, un rapport de HEC Montréal est venu jeter un gros doute à ce sujet1.

Au fil des ans, près de 6 milliards de dollars ont été pompés dans ce que nous appellerons encore ici le Fonds vert. C’est beaucoup d’argent. Notre collègue Charles Lecavalier nous apprenait d’ailleurs cette semaine qu’on y recueillera 500 millions de plus que prévu cette année.

Que retirons-nous de ces sommes colossales ? Selon les chercheurs de HEC Montréal, bien peu.

Certes, les fonds financent l’adaptation aux changements climatiques, une dimension essentielle de notre lutte. Mais en matière de réduction des gaz à effet de serre, le bilan est désespérément maigre.

HEC Montréal calcule qu’au mieux, les mesures financées par le Fonds auront permis de retirer 1,78 mégatonne de GES à notre bilan annuel.

Considérant que la province émet plus de 80 mégatonnes de GES par année, c’est vraiment très peu. On parle d’à peine 12 % de notre cible de 2020 et de 6 % de celle de 2030.

Ce bilan, il faut le dire, n’est pas celui du plan climatique de la CAQ. C’est celui du plan précédent, qui s’est étalé de 2013 à 2020.

Les chercheurs de HEC Montréal se montrent toutefois bien pessimistes pour la suite. Ils soulignent que le plan de la CAQ a largement repris les mesures du plan précédent… sans en analyser d’abord l’efficacité.

Ils jugent « alarmant » de voir que « l’inefficacité des actions […] est non seulement reconduite, mais davantage financée » dans le nouveau plan du gouvernement Legault.

Ce dernier dit avoir redressé la barre. Le hic, c’est qu’il n’a encore aucune démonstration pour nous en convaincre. Au cabinet du ministre Charette, on promet de dévoiler une mise à jour ce printemps. Espérons y voir une vraie preuve que les sommes dépensées commencent à porter leurs fruits.

Parce que l’argent dont on parle, c’est le vôtre. Quand vous grimacez devant la facture à la pompe ces jours-ci, sachez qu’environ 8,8 cents quittent vos poches chaque fois qu’un litre d’essence entre dans votre voiture pour atterrir dans le Fonds vert (cela se fait par l’entreprise du marché du carbone).

Les entreprises québécoises le financent aussi à coups de centaines de millions.

Soyons clairs : la tarification du carbone est absolument essentielle pour changer les comportements. Mais avouez que la pilule passerait mieux si on nous démontrait que cet argent est bien utilisé.

C’est d’autant plus vrai que le modèle québécois a maintenant de la concurrence. Juste à côté, les citoyens de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick paient aussi un prix sur le carbone. Ce prix, imposé par le fédéral, est même plus élevé que celui du Québec.

Sauf que là-bas, les sommes perçues retournent dans les poches des citoyens sous forme d’un remboursement d’impôt. Si bien que 80 % des Ontariens et des Néo-Brunswickois font de l’argent avec la taxe carbone. Seuls ceux qui brûlent vraiment beaucoup d’essence paient pour les autres.

Chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Mais jusqu’à présent, force est de constater que celui du Québec pige dans vos poches sans vous rembourser… et sans générer les réductions de GES promises.

Combien de temps va-t-on le tolérer ?

1. Consultez le rapport de HEC Montréal Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion