Bravo, ils ont été aussi nombreux que salutaires, les sacrifices faits pour protéger les plus âgés d’entre nous depuis le début de la pandémie !

Ça, c’est la fleur.

Le pot, maintenant ?

Notre attitude à l’égard des aînés ne peut pas se résumer à cet élan de bienveillance.

En fait, deux ans plus tard, le bilan est plutôt sombre. Et l’âgisme dont on fait trop souvent preuve n’est pas étranger à cette situation.

La plus spectaculaire des défaillances est bien connue. Les aînés en CHSLD ont été dans « l’angle mort de la préparation à la pandémie » lors de la première vague.

La protectrice du citoyen, Marie Rinfret, l’a dénoncé lors de son enquête dévastatrice sur la gestion gouvernementale de la COVID-19.

L’embauche massive de préposés aux bénéficiaires a par la suite changé la donne quant au manque de ressources humaines, qui avait atteint un niveau critique.

On ne peut cependant pas tirer de conclusions générales de cette initiative ciblée. On n’a pas, du jour au lendemain, inscrit le sort des aînés tout en haut de la liste de nos priorités dans le réseau de la santé.

Ni ailleurs dans notre société.

On a même fait preuve d’âgisme sous le couvert de la bienveillance au cours des deux dernières années.

Les ratés quant aux conditions d’accès (les visites, par exemple) dans les milieux d’hébergement pour aînés en sont un bon exemple. Tout comme, d’une manière plus globale, le paternalisme dont on a trop souvent fait preuve.

Souvenez-vous par exemple de la Société des alcools du Québec qui avait refusé l’entrée à certaines de ses succursales aux personnes âgées de 70 ans et plus !

La discrimination est systémique.

À preuve : un autre rapport important, celui de la commissaire à la santé Joanne Castonguay, a déploré qu’on n’applique pas de « lentille-aînés » au sein du gouvernement.

« Les politiques et orientations destinées aux aînés sont mal intégrées à celles visant l’ensemble de la population. L’adaptation de l’offre de services aux besoins croissants de la population vieillissante reste très limitée », a-t-elle constaté.

L’idée ici n’est pas de se livrer à une séance d’autoflagellation publique. L’âgisme est un phénomène généralisé.

Au pays, trois aînés sur cinq ont dit avoir été traités injustement ou différemment en raison de leur âge.

Aux quatre coins de la planète, un récent rapport de l’Organisation mondiale de la santé a souligné que l’âgisme « gagne, malheureusement, en importance depuis le début de la pandémie de COVID-19 ».

La bonne nouvelle, c’est que, justement, la pandémie nous aura permis de mettre le doigt sur le bobo et de sonner l’alarme.

Le diagnostic est désormais posé.

L’opinion publique est alertée.

L’heure est au changement. Et tout le monde peut contribuer.

Les experts estiment qu’un plan pour s’attaquer de façon efficace à l’âgisme doit comporter trois volets.

Un premier touche les activités éducatives alors qu’un deuxième concerne les contacts intergénérationnels. C’est compréhensible. La sensibilisation permet de lutter contre la discrimination.

Le volet le plus fondamental, toutefois, touche aux politiques et à la législation.

Ici, c’est surtout à nos élus de prendre le taureau par les cornes.

Pensons-y : on ne dispose même pas de stratégie pour que notre société puisse faire face au vieillissement de façon adéquate.

Nos gouvernements sont donc encore bien loin d’avoir une « lentille-aînés » qui guiderait leurs décisions lorsque des mesures sont adoptées pour l’ensemble de la société.

Suggestion : ils auraient aussi tout avantage à mettre la question de la vieillesse au cœur des préoccupations des autorités de santé publique. Le nombre d’experts sur ce sujet y est nettement insuffisant.

Rien de tout ça n’est normal, alors que la pyramide des âges, au Québec, est en train de s’inverser. Il est urgent d’y remédier.

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