Depuis le début des hostilités, le gouvernement Trudeau parle d’une seule voix. Ses ministres ont exprimé fermement où ils et elles logeaient face à la Russie de Vladimir Poutine. Du côté de l’Ukraine et du peuple ukrainien. L’intime connaissance de ce pays par la vice-première ministre Chrystia Freeland y est pour quelque chose, bien entendu. Mais sa volonté est partagée par ses collègues ainsi que par le premier ministre, Justin Trudeau, qui termine ces jours-ci une tournée de quelques pays européens.

Le message est clair : les portes du Canada sont grandes ouvertes aux Ukrainiens.

La semaine dernière, le ministre de l’Immigration, Sean Fraser, a annoncé deux nouvelles mesures pour accélérer l’accueil d’éventuels réfugiés en provenance du pays assailli : un visa temporaire de deux ans sans condition qui permet de travailler ou d’étudier au Canada et d’initier une demande de résidence permanente si la personne le souhaite. Et une deuxième mesure visant à offrir le programme de parrainage à la famille élargie, c’est-à-dire aux oncles, tantes, etc. Le Canada accorde également une exemption spéciale aux Ukrainiens partiellement ou pas du tout vaccinés.

Rappelons que la diaspora ukrainienne est composée d’environ 1,3 million de Canadiens disséminés un peu partout au pays, mais plus nombreux dans l’Ouest. À l’heure actuelle, Ottawa est incapable d’évaluer le nombre de ressortissants ukrainiens qui pourraient choisir de s’installer au Canada, mais on estime à environ 6200 ceux et celles qui l’ont fait depuis janvier. Et on comprend que pour l’instant, la majorité préfère sans doute rester en Europe dans l’espoir que le conflit se règle rapidement.

Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale du Québec, Jean Boulet, a déclaré lundi que le Québec était prêt à accueillir tous les Ukrainiens qui souhaitaient s’installer ici. L’Union des municipalités a réitéré sa solidarité. La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, a même identifié l’aréna qui pourrait accueillir des réfugiés dans sa ville. Bref, il y a quasiment plus de gens prêts à accueillir des Ukrainiens pour l’instant qu’il y a d’Ukrainiens prêts à se réfugier au Canada.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Jean Boulet, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale du Québec

Face à cet accueil incroyable, on ne peut que se réjouir…. Mais avant, une question s’impose : pourquoi la bureaucratie n’emboîte-t-elle pas le pas au politique ?

Depuis quelques jours, les critiques fusent de toutes parts : formulaires incompréhensibles ou difficiles à remplir, bureaux ouverts de 9 à 5 exclusivement, absence de réponses, délais incroyables au vu de la situation. C’est comme si la volonté du haut de la pyramide était incapable de se rendre en bas de la pyramide, sur le terrain.

C’est un sérieux problème sur lequel le gouvernement devrait concentrer ses énergies. À quoi bon ouvrir les bras si c’est derrière une porte close ?

Au ministère de l’Immigration, on nous dit qu’on a envoyé de l’équipement supplémentaire en Europe pour aider à la fabrication de documents comme la prise d’empreintes, etc. On nous dit aussi qu’on ajustera l’offre de service au besoin.

Mais le besoin, il est maintenant. La guerre a lieu maintenant.

Dimanche dernier, à l’émission Tout le monde en parle, le joueur de hockey canadien d’origine ukrainienne Eliezer Sherbatov a raconté son expérience avec les services consulaires canadiens lorsqu’il était coincé à Marioupol sous les bombardements. Le jeune homme a reçu deux courriels automatisés lui conseillant de se cacher dans un abri anti-bombes. Il a finalement pu s’enfuir et revenir au pays grâce à l’aide du gouvernement… israélien. Dans son édition de mardi, Le Devoir racontait l’histoire d’un autre Canadien dont la femme attendait un visa depuis deux semaines. C’est long deux semaines quand votre pays est en guerre et que vous êtes réfugié en Hongrie, en attente de venir rejoindre une partie de votre famille à Montréal.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Eliezer Sherbatov

Comment se fait-il que les bureaux consulaires ne soient pas ouverts 24 heures sur 24, sept jours sur sept jusqu’à la fin du conflit ? Avec une voix rassurante à l’autre bout du fil pour guider les gens dans leurs démarches ? Le Canada doit pouvoir accompagner les Ukrainiens en Europe et il doit aussi épauler les familles canadiennes qui souhaitent parrainer un proche. Pour l’instant, il y a encore de trop gros cailloux dans l’engrenage. Quand une ville est bombardée et qu’on craint pour la sécurité d’un membre de sa famille, on n’a pas envie de se faire dire de rappeler le lendemain ou de suivre un cours universitaire pour remplir un formulaire.

On le voit, notre gouvernement sait faire preuve d’humanité. Mais la machine aussi doit faire preuve d’humanité. Elle doit être agile, flexible. Et pour y arriver, des ordres clairs doivent venir d’en haut. Et il doit y avoir quelqu’un d’imputable. C’est la bureaucratie qui doit se plier aux besoins des citoyens, pas l’inverse.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion